Etienne Béothy, vice-président des Réalités Nouvelles :
Le rôle de Etienne Béothy, membre fondateur des Réalités Nouvelles, est au début modeste. Depuis 1928, il est proche de Auguste Herbin nommé président du salon en 1951, Felix Del Marle est alors vice-président. Etienne Béothy est commissaire aux comptes en même temps que César Domela. Après guerre, l’abstraction géométrique est enfin reconnue. Dès 1944, Denise René lui consacre la galerie qu’elle ouvre avec le soutien de Victor Vasarely. En novembre Vasarely, Gilioli, Pevsner, Jacobsen, Béothy, Brancusi, Arp, Laurens y sont exposés… La galerie de René Drouin relaye les efforts de Denise René. Jeanne Bucher ouvre quant à elle une nouvelle galerie Boulevard du Montparnasse où sont présentés Picasso, Jacques Lipchitz, Georges Hugnet, Jean Lurçat, Vassily Kandinsky, Henri Laurens.
Le Salon des Réalités Nouvelles offre aux artistes une occasion nouvelle d’exposer annuellement, de publier dans la revue, de faire connaître leur œuvre. En 1946, Etienne Béothy présente Rythmes plastiques, Opus 79. Il le montrera encore l’année suivante sous le titre Rythmoplastique. L’œuvre, un bois sculpté, illustre l’article de Béothy dans la Revue des Réalités Nouvelles : « La conquête de la réalité ». En 1947 le Salon acquiert sa « véritable identité », selon Domitille d’Orgeval.[1] En 1947 et 1948, Etienne Béothy a organisé, au sein du Salon, la participation de certains membres du Groupe des Artistes abstraits hongrois avec lesquels il avait exposé en 1939 à la Galerie Tamàs à Budapest : Laszlo Moholy-Nagy, Henri Nouveau, Alfred Reth, Nicolas Schoeffer, Victor Vasarely. La plupart continuent de vivre en Hongrie où ils sont membre du Groupe des Artistes abstraits. En deux ans, le nombre d’exposants passe de 89 à 366. Dix-sept nationalités sont représentées au Salon de 1948. Mais la chute du rideau de fer sonne le glas de la présence des artistes d’Europe de l’est, des Hongrois aux Réalités Nouvelles.
En 1949, Béothy expose Don Quichotte ou l’Homme d’esprit, sculpture en bois d’amarante, opus 99. En 1949, ce sera Elan et Chute, un acajou haut de 72 cm. En 1950, il publie un article dans la revue. En 1950, le Salon - et la revue - s’ouvrent à l’architecture. La salle Espace lui est consacrée. Les fondateurs du groupe Espace sont René Bloc, Sonia Delaunay, Etienne Béothy. Cette année-là, le critique Charles Estienne attaque l’esprit du salon dans un article demeuré célèbre : « L’art abstrait est-il un académisme ? ».
En 1951, Etienne Béothy expose Solfège et le reproduit sous ses quatre angles dans la revue, expliquant « l’œuvre d’art doit présenter toutes les caractéristiques d’un individu, comme unité significative. » En 1952, il présente une sculpture polychrome, une peinture, une « maquette polychrome ». La mort de Fredo Sidès et de Del Marle provoquent un changement dans la direction du groupe. Henri Valensi et Etienne Béothy en assurent la vice-présidence à partir de 1956. Ces années là, on abandonne la discrimination abstrait/concret pour intégrer à l’art abstrait les différentes tendances des courants éclos après guerre. En 1954, dans le neuvième numéro de la Revue, l’article de Etienne Béothy Abstraction et Architecture confirme son engagement au sein du groupe Espace. Intégrant l’architecture à l’art abstrait, il évoque une « polyphonie plastique », significative de l’un et de l’autre.
En 1956, dans le dixième numéro de la Revue, Béothy ne publie pas. Dans l’introduction, le président René Fontené explique le changement survenu : les Réalités Nouvelles sont devenues les Nouvelles Réalités. Certes, les Réalités Nouvelles se sont créées en fidélité aux principes de Abstraction-Création, il est néanmoins temps, à présent, de changer principes et méthodes. Désormais, les artistes doivent accepter d’être jugés pour pouvoir exposer.
De 1947, à 1960, Etienne Béothy a participé à tous les Salons des Réalités Nouvelles. Il a pu maintenir le contact avec les artistes hongrois, mener des expériences parallèles aux Réalités Nouvelles et au salon du Groupe de la Série d’or ou « Groupe de Puteaux » que fréquentent Matyla Ghyka et Le Corbusier.
Le glossaire animal a fait apparition dans son œuvre. Arrière-pensée d’un Hibou, Matou nocturne, Guêpe, Mouette, Biche en attestent. Les mobiles prennent le titre de Formes nucléaires. La dernière sculpture de Etienne Béothy est demeurée sans titre. Un numéro, Opus 151, lui a été attribué. Cet immense plâtre vrillé sur lui-même, troué en son centre d’un orifice semble une ultime main tendue à la figuration. Sur le faire-part de décès de Etienne Béothy est inscrit Vice - président des Réalités Nouvelles.
à suivre... 4 -Jean Leppien, un Bauhäusler aux Réalités Nouvelles