- ¾ La permanence de l’Abstraction (1981-2000)
Par Erik Levesque
Par Erik Levesque
À partir de 1980 sous l’impulsion de Jacques Busse (président de 1981-1994), le salon devient un lieu dédié à « la Permanence de l’Abstraction », comme un lieu de stabilisation, de passage, de découverte et de rencontre au risque d’un devenir musée. Les statuts de l’association sont rénovés. Jacques Busse insiste beaucoup sur la défense « catégorielle » des artistes français soit au sein de la FAAP, soit au sein des RN. Après l’élection de Mitterand, le ministère Lang octroie alors une subvention payant la location du lieu ce qui permet au salon de se tenir annuellement. Dés 1984, le salon propose de participer à la valorisation des artistes des années 50 et de trouver une articulation avec le marché en parallèle avec celui-ci. Il propose aux artistes de cette génération de revenir exposer au salon en accrochant côté à côté un tableau de jeunesse des années 50 et un tableau des années 80 des mêmes artistes. L’action sera efficace et le salon commence à organiser son territoire avec vente aux enchères ou lien renforcé avec des galeries.
Dans sa préface au catalogue de 1984 intitulé « Presque le bonheur ! » Jacques Busse remercie chaleureusement la FAAP et ses membres dont Mac Avoy et Yves Brayer. Il ajoute : « Donc nous nous réjouissons bien haut de pouvoir aujourd’hui remercier les responsables gouvernementaux de la culture, d’avoir porté leur regard sur nos viviers ». S’amusant du mot de Jack Lang « on ne cultive pas les artistes comme des légumes », Busse file la métaphore : « Il n’y a pas qu’un seul terreau sélectionné, d’appellation Beaubourg, qui convienne à cette culture. Le terreau sélectionné Beaubourg est en effet parfaitement adapté aux orchidées du moment, même si parfois, comme dans les grandes surfaces, on y trouve des orchidées à bas prix ». On le voit les relations, avec l’institution, sont toujours aussi compliquées voir mauvaises. Le comité d’honneur du salon est constitué de 14 membres dont Georges Boudaille, de Pierre Brisset, d’Eugéne Ionesco, le comité d’artiste est constitué de 28 membres dont Abboud, Aksouh, Augereau, Calos, Gemignani, Granier, Planet, Stempfel… Parmi les exposants Philippe Charpentier, Damien Cabanes, Bouqueton, Licata, Messagier, Pelayo, Thibaut de Reimpré, Wakako, Saint Cricq… A la demande de Jacques Busse, Henri Prosi vient organiser la section de l’abstraction géométrique et lui donner plus d’ampleur. Elle retrouve une section autonome au sein du salon. La sélection des jeunes artistes se tient au café Conti à St Germain des Prés, ou le comité Margerie, Busse, Nallard assis sur une banquette devant une table, voit passer un à un les candidats, tableaux sous le bras qui font image d’Epinal germanopratine, la queue dans la rue de Buci. Les débats internes dans l’association et le salon tournent autour des questions des arts visuels et de leur rapport à la peinture. L’admission de la vidéo et de la photo, des performances étaient rejetées dans le temps du salon. Le salon définissant son champ d’action comme celui d’un collectif et son territoire autour de l’abstraction, de la peinture, de la sculpture et de la gravure suivant en cela les préceptes que Fontené avait énoncé "la peinture en sa spécificité".
Le salon comptait 252 participants en 1980, en 1984 il en compte 372. En 1987, le salon compte 487 exposants dont John Levee, Serge Helias, Dorny, Delmas, Claude Gillet, Chen Zhen, Nino Calos, Erik Levesque, Baron Renouard, Tanguy, Rocher, Perget ou Fernando Lerin…
Le salon se veut alors un musée éphémère dédié à l’abstraction et il se tient en même temps que la FIAC sur les coursives du Grand Palais – pari risqué. Les débats concernent la place des jeunes artistes au sein du salon. Les échanges sont parfois vifs et houleux entre Jacques Busse et la nouvelle génération des Joël Trolliet et Olivier di Pizio ! Cependant conscient des risques liés à la valorisation du passé, le comité tente des ouvertures comme celle d’accueillir par exemple en 1991 une exposition d’enfants autistes. Le salon se tient à l’espace Nesle (82-83), au Grand Palais (1984-1993)… Le prix d’entrée du salon pour le public est en 1988 de 20 frs (3 euros) tarif réduit 10 frs (1,5 euro) et en 1994 de 40 frs (6 euros) et de 25frs (3,5 euros).
Mais en 1990, lors de deux réunions l’une à la FAAP, l’autre devant le comité des Réalités Nouvelles, Jacques Busse vient annoncer de façon formelle, l’acte de décès du marché de l’art parisien, suite à l’effondrement de la bourse de 1989 et son déplacement vers Londres. Cette annonce semble laisser Busse (par ailleurs rédacteur en chef du Bénézit) perplexe sur l’attitude à adopter. D’une certaine manière ce faire-part clôt son action.
En 1994, Guy Lanoë est nommé président de l’association. Ce codicologue et archiviste, cet ami des peintres (il a bien connu Gaston Chaissac entre autres … ) vient tenter de prolonger l’action du salon et de le sortir de ses querelles intestines ! Son action efficace ouvre une nouvelle période et marque le rétablissement économique du Salon et une nouvelle réception de l’abstraction dans la société. En 2000 une étudiante de Serge Lemoine, est nommée archiviste : Domitille d’Orgeval. Elle présentait sa thèse sur les premières années du salon. Le rôle d’archiviste était tenu auparavant par un membre du comité depuis 1939. Le salon a toujours organisé de manière directe sa propre historicité. Face à la généralisation du phénomène des foires commerciales, le salon devient un lieu de transmission et de questionnement. Il se tient à l’Espace Eiffel-Branly (1994-2000) et à l’Espace Auteuil (2001-2003) avant de rejoindre les serres du Parc Floral de Vincennes.
Publié le 21/02/2012
( à suivre ... 4/4 - Une Wiki-histoire du Salon des Réalités Nouvelles - Esthétique du flux ou se transformer à l’âge d’Internet - depuis 2000)