Une Histoire du Salon des Réalités Nouvelles en quatre parties
par Erik Levesque
1/4 - Des origines à Mai 1968 ...
4/4 - Esthétique du Flux ou se transformer à l'âge d'Internet (depuis 2000)
1/4 - Des origines à Mai 1968 ...
4/4 - Esthétique du Flux ou se transformer à l'âge d'Internet (depuis 2000)
1 - Des origines à Mai 1968 ...
En juillet 1946, a lieu le premier Salon des Réalités Nouvelles au Palais des Beaux-Arts de la Ville de Paris (aujourd’hui le Musée D’Art Moderne) avec pour objectif la promotion en France et à l'étranger d'expositions “ d'œuvres de l'art communément appelé: art concret, art non figuratif ou art abstrait, c’est-à- dire d'un art totalement dégagé de la vision directe de la nature ".
Il est fondé par le marchand d’art et collectionneur Fredo-Sidès (1882-1952), (associé avant-guerre du marchand de tableaux René Gimpel (1881-1945) aux USA). Le salon de 1946 est le prolongement de l’exposition éponyme de 1939 à la galerie Charpentier dont il se veut la renaissance et la réplique. Ce millésime est dédié à la mémoire de Robert Delaunay, Kandinsky, Mondrian … etc qui avaient participé à l’exposition de 1939 et qui étaient disparus. Le salon est international ; on y expose venant du monde entier, d’Angleterre, d’Allemagne, Hollande, Argentine, etc… comme c’est toujours le cas aujourd’hui …. Internationalisation qui sera toujours la marque du salon. On y débat également, on y s’engueule également comme cela continue aujourd’hui ! Réalités Nouvelles ne divergent pas dans son projet des associations d’artistes comme AAA - American Abstract Artist à New York qui depuis 1936 promeut et étudie l’art abstrait et non-objectif avec souvent les mêmes artistes ! A cela près que le Salon des Réalités Nouvelles est alors organisé par un marchand et un conservateur Jean Leymarie du musée de Grenoble.
Le questionnaire des RN de 1939 - archives RN |
Dès 1947 une révision des statuts s’impose. La nouvelle association est animée par les artistes Auguste Herbin et Félix Del Marle avec pour comité Arp, Besançon, S. Delaunay, Dewasne, Gleizes, Gorin et Pevsner dont Fredo-Sidés reste le président-fondateur. Les conservateurs de musées critiques et amis sont associés à travers le comité d’honneur, mais ils ne sont plus directement présent dans l’association. L'arrivée d'Atlan, de Boumeester, de Bryen, de Hartung, de Matthieu ou de Poliakoff, et de tant d’autres va provoquer des débats houleux sur la (ou les) définition(s) de l'abstraction. A ces débats théoriques s‘ajoutent les désaccords d'ordre individuel, voir les affrontements idéologiques à ceux des enjeux esthétiques comme l’a démontré dans sa thèse Domitille Le Barrois d'Orgeval – « Le Salon des Réalités Nouvelles
Les années décisives : de ses origines (1939) à son avènement (1946-1948) » en histoire de l'art contemporain à la Sorbonne Paris-IV, sous la direction du professeur Serge Lemoine en 2007. Les débats polémiques, emportés seront la marque du Salon des Réalités Nouvelles comme lieu de débats démocratiques qui entraînent par exemple en 1948 les démissions de Sonia Delaunay et de Besançon, l'année suivante celles de Jean Arp et de Dewasne qui seront tour à tour remplacés par Fontené, Lempereur-Haut, Piaubert, Tamari et Valensi. Le Manifeste de Herbin en 1948 affirme l’art abstrait comme « non-figurative et non-objective » et il rompt aussi tout lien avec le parti communiste et le réalisme social. Selon George Coppel, le fils de Jeanne Coppel dans son Histoire Véridique du Salon des Réalités Nouvelles » ( p 42 à 44) : « Tous les membres des Réalités Nouvelles n’avaient pas vécu la guerre de la même manière et cela apportait des tensions nouvelles et plus fortes… »
archives RN |
Au sein du Salon sont exposés au côté de l’art construit les argentins de Madi et Arte Concreto Invencion, Ellsworth Kelly, Jacobsen mais aussi Motherwell, Soulages, Barbara Hepworth, Hans Hofmann, Viera da Silva, Nallard, mais aussi de Clement Greenberg… mais aussi de Josef Albers, Cobra … etc
Le Salon est dédié exclusivement à l'abstraction, ce qui en constitue sa spécificité, et un de ces principaux mérites aura été de participer à imposer l’abstraction comme un courant artistique dominant dans la France de l’immédiat après-guerre. Mais en 1949, Fredo-Sides se plaint de ne plus être le seul à promouvoir l’abstraction, la Galerie Maeght a organisé « Les premiers maîtres de l’art abstrait » avec Michel Seuphor dont il se sentait trahi. Bref le succès du salon est rapide de 1946 à 1950, le nombre d'exposants passe de 89 à 248, mais l’art abstrait des années 50 a de nombreux défenseurs à travers différentes galeries Denise René, Colette Allendy, Arnaud, ou des revues Art d'aujourd'hui, Cimaise démontrant la multiplicité des formes prisent par l’abstraction… Aussi le succès du salon n’est pas exempt de critique, « académisme moderne » « abstraction datée de la 1er guerre mondiale », etc…. Nicolas de Stael refuse d’y participer malgré l’invitation formelle de Viera da Silva. « Le gang de l’abstraction avant » écrit-il avec ironie à Dorival. Au milieu des années 55, le monochrome orange Yves Klein y est refusé alors que (et parce que ?) sa mère Marie Raymond expose au salon. Godard voit au travers du salon, la mort de la peinture par le refus de la ressemblance. La mort de Fredo-Sidès autant que le succès de l’abstraction entraîne la nécessaire réorganisation du Salon, rebaptisé en 1956 « Réalités Nouvelles-Nouvelles Réalités » et présidé par Robert Fontené. Le Cahier des Réalités Nouvelles, un catalogue exceptionnel pour l’époque fait de reproductions noires et blanches accompagnées de textes, est arrêté au 9e numéro pour devenir le catalogue que l’on connaît. Ce faisant le salon devient celui de la présentation de la scène parisienne abstraite, tout le monde en est, rançon du succès, la liste des peintres y participant s’allonge de la fin des années 50 à 1970. Depuis l’abstraction gestuelle américaine, Sam Francis, Joan Mitchell, se trouve présentée. Hans Haacke y participe .. etc.. . Shafik Abboud, Alechinsky, Genevieve Asse, Bissiere, Bitran, Cobra , Marcelle Kahn, Kallos, Kijno, Menton, Miotte, Music, Rustin, Bram Van Velde mais aussi bien Morellet, ou Rancillac, future figure du pop art français ! C’est une liste de plusieurs centaines de noms que vous trouverez sur Wikipedia ! Mais le plus curieux est que dans les catalogues de ces années les reproductions des œuvres tendent à disparaître au profit des portraits photographiques des artistes.
Jean Miotte de dos et Joan Mitchell en bas catalogue RN 1966 |
Mais les relations avec les conservateurs des Musée de la Ville de PARIS (et l’administration des Beaux-Arts en général) se tendent. A partir de 1963, l’avant-propos de Fontené au catalogue est claire : « l’administration elle-même nous donna à choisir entre une acceptation « ne varietur » et le renoncement pur et simple à notre manifestation… ». En 1966 la longueur de la cimaise dédiée au salon a subi une diminution d’un tiers… en 1967 la préface du catalogue commence par « les salons de peinture sont attaqués de toutes parts, leur existence même est mise en jeu… » En 1966 Daniel Buren (RN 1965 sous le nom de Daniel Meyer de Buren) dans un manifeste envoyé au salon et soigneusement conservé dans les archives avait associé le salon « à la peinture », à ce qu’il y a de plus « archaïque et réactionnaire. »
Cette "déclaration de guerre pré-soixante huitarde " marquera profondément le salon.
En 1970, les salons et les Réalités Nouvelles sont expulsés du Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris bien que le nombre d’exposants soit toujours aussi impressionnant… L’existence même du salon (et de son association) est en jeu !
publié le 17/01/2012
A suivre dans les semaines prochaines… en attendant un peu d'actualités...
Raphaëlle Boutié et Jonathan Lasker
Jonathan Lasker - photographie Fabrice Kucharz 2012 |
Raphaëlle Boutié était invitée du plateau de "Thé ou Café" sur France 2, samedi 14 Janvier avec Benabar, l'émission peut être regardé sur le site de l'émission. Jonathan Lasker était lui présent au vernissage de son exposition à la galerie Thaddaeus Ropac à Paris ou est présentée sa recherche formelle autour de la peinture, avec de lourds empätements architecturés auquels répondent des enchevêtrements de ligne jusqu'au 2 février.