mardi 3 avril 2012

4/4 - Une Wiki-histoire du Salon des Réalités Nouvelles - Esthétique du flux ou se transformer à l’âge d’Internet (depuis 2000)

Esthétique des flux
par Erik Levesque

Sous la présidence des peintres Michel Gemignani (2005-2007), puis Olivier di Pizio (2008- …), le salon se diversifie, s'ouvre à de nouveaux horizons, augmente le nombre de participants qui passent de 260 à 400, montrant s’il en était besoin l’actualité de l’abstraction suivant la « définition majeure du salon et fondamentale du salon, de la création et de l’identité du salon des RN, c’est à dire les expressions plastiques de l’abstraction ».
Le salon revenu au Parc Floral Vincennes devient gratuit pour le public. Le nombre d’entrée public passe ainsi de 3500 visiteurs à 10000 ! En 2006, le salon fête ses 60 ans avec Soulages, les anglais John Hoyland, Albert Irvin, et d’autres artistes venus du monde entier !
Hélas ! Les relations avec les grandes institutions sont toujours aussi mauvaises, le salon désirant rendre hommage à Aurélie Nemours décédée en 2005 et qui fut toujours partie prenante du salon, demande un prêt d’œuvres qui nous fut vertement rejetée…
Tournant avec 100 nouveaux noms chaque année le salon se renouvelle en permanence organisant une des plus grandes bases de données de noms et des catalogues accessible sur le web. Il suffit de comparer ce qu’était le salon en 1960, disons, et aujourd’hui pour en voir les évolutions, les transformations du goût et les différentes réceptions de l’abstraction. Le salon au XXIe siècle dialogue entre la section à la géométrie affine et la section peinture où dominent les structures anamorphosées, vortex et autres canevas de fractals. Ce dualisme hérité de l’histoire du salon est pondéré par la sculpture, la gravure et la photographie. Les esthétiques de l’abstraction qui traversent le salon sont nombreuses : concret, géométrique, numérique, constructal, expressionniste, décorative, hybride, musicalisme, figuration allusive, matiériste …
Si la génération historique des fondateurs et des disciples disparaît, le salon reste un lieu de débat profondément marqué par la place de la peinture et de l’abstraction dans la société. Tout autant que par l’économisme triomphant, les contre-coups de la décolonisation, les effets de mai 1968 ou par la crise économique, en fait par tous les désengagements successifs et les renoncements d’un Etat perdant ses triples A. La place de Paris, capitale internationale des Arts, appartenant maintenant à un passé doré révolu, il faut apporter de nouvelles stratégies. Le développement du marché de l’art par Internet au travers de galeries créatives ou décoratives permet aux artistes et aux œuvres de trouver leur place dans un marché globalisé, mais impose une réflexion sur l’esthétique des flux esthétiques et d’esthésies.

La nouvelle génération d’artistes qui prend les commandes du salon, le conçoit comme un collectif  d’artistes, selon le mot de Jacques Busse. Il n’est pas innocent que le président de l’association Olivier di Pizio soit habitué à se positionner dans le champ social, il est particulièrement attentif aux différentes problématiques de la monstration de l’art. Cet ami de Louise Bourgeois tente de renouveler le dialogue avec les écoles d’art, invitant des étudiants post-diplômés à exposer. Il est attentif à rejeter toute forme de communautarisme et de closure de l’association sur elle-même comme lieu de l’Abstraction, Olivier di Pizio souhaite confronter l’association et par là l’Abstraction à la société française dans toutes ses composantes. Aussi  il proposera de reprendre les expositions itinérantes RN  hors de Paris; plusieurs sélections d'artistes issus du Salon exposeront ainsi à Troyes, Pont de Claix ou encore Belgrade. Joel Trolliet est le secrétaire du Salon, peintre il y expose depuis 1973. Comme secrétaire il en est aussi un garant historique porteur de l’histoire mouvementée des années 70 et des combats théoriques ainsi que d’une forme d’identité de la peinture aux couleurs parisiennes. A partir de 2014, il devient responsable du Commissariat Général, alors que Chantal Mathieu prend en charge le secrétariat. Autour de Martin Bissière se retrouve un groupe de jeunes peintres fortement marqués par la gestuelle de l’expressionnisme abstrait que l’on retrouve aujourd’hui dans différentes galeries parisiennes. Concevant le salon et le temps de l’exposition  comme un lieu de rivalité et de violences assumées, Martin Bissière désirait faire du salon un lieu de compétition « sportive » annuelle. Il quitte le comité en 2010. Autour des peintres Françoise Delmas et Christian Martinache s’établit une réflexion bachelardienne sur la peinture et la réalité jouant de couleurs grisées et de textures travaillées. Béatrice Bonnafous propose elle une réflexion sur sa place de femme dans la société (donc dans le salon) tout offrant une méditation sur les liens Occident/Orient. Dont les écoles japonaises autour de la figure de Saturo Sato donnent un exemple, grâce en particulier, à son musée  d’Art Construit de Tomé au Japon où sont accrochés de nombreux peintres des Réalités Nouvelles. La section géométrique emmenée par les peintres Henri Prosi, Pascal Mahou et Roland Orepük, agit et réagit comme une cellule qui tenterait de résister aux flux des images avec une volonté affirmée d’être un amer. Les écoles allemandes, danoises et italiennes jalonnent le salon. La section sculpture est menée par Bernard Blaise et Thomas Lardeur qui tente d’apporter une attention particulière sur la commande publique et invite cette année dix sculpteurs danois. La section de la gravure et la lithographie est conduite par la graveuse Jeanne Charton. Erik Levesque voudrait interroger les flux esthétiques qui traversent le salon autant du point de vue de la création que dans leurs réceptions. L’artiste dans cette problématique n’existe pas comme individu mais existe au travers d’une communauté qui donne écho à son travail. Lors de deux colloques seront analysées comment transformer le réseau essentiellement francophone des RN et comment jouer avec une esthétique hollywoodienne de l’Art qui s’impose à nous tous les jours.   Mais parmi ses idées rejetées par le comité était celle de basculer entièrement le salon sur le web à travers le site, d’en faire un salon virtuel. Le comité refuse d'indexer le catalogue en ligne du site Réalités Nouvelles sur Artprice.

Il fut choisi par le comité d’une part de déposer l’histoire du salon et pour ce faire rendre les archives accessibles par leurs dépôts à L’IMEC, d’autre part de rechercher des interlocuteurs internationaux comme l’abstraction anglaise, pour mettre les Réalités Nouvelles face à leurs nouveaux horizons…
Si certains applaudissent à ses transformations d’autres affirment "ne plus reconnaitre leur salon" ou sont déçus de ces transformations. Ainsi André Rouillé, dans un éditorial de ParisArt du 14 Avril 2011, reproche au salon de vouloir être un lieu d’art contemporain, d’autres réactions sont plus polémiques comme celles de M.C « incroyablement mauvais, que du déjà vu, des œuvres dans la majorité primaire, aucune recherche, dignes d’élèves de CM2 qui sont les membres du comité de sélection ??? Critiques d’art ??? Artistes ??? On expose ses copains… En fait, il n’y a pas de mots pour décrire votre salon, Vous pensez vraiment attirer des amateurs d’art. Sans doute ceux qui se baignent dans leur fosse septique ».
Comme quoi on ne peut pas plaire à tout le monde ! Le Salon des Réalités Nouvelles n’est pas un lieu tranquille, c’est un lieu de débats passionnés, de polémiques, autour de l’abstraction et de sa place dans la société. On y vient pour confronter son travail à celui des autres artistes, on y vient pour rencontrer des peintres, des sculpteurs, sortir de l’atelier, c’est un lieu vivant, risqué ou une communauté se rassemble échange. 
L’aventure continue…

Texte publié le 03/04/2012 dernière modification le 29/05/2013.

NB : Erik Levesque fut l'administrateur du blog du 04/2011 à 31/12/2014.