C’est aussi une installation éponyme qu’avait conçu le réalisateur et plasticien dans quatre musées suédois en 2015 : soit tracer un carré au sol et demander au visiteur d’y déposer leur portefeuille puisque dans le carré tout est moral. "Pouvez-vous alors avoir confiance dans vos voisins ?" s’amuse à questionner le film de 2017, en une comédie sociale satirique qui fait le portrait d’une société suédoise et européenne de la transparence bien-pensante.
Passé au rayon X, le directeur du musée X-Royal Museum, (joué par un Claes Bang plus-que- parfait), est un Mastroianni luthérien au regard doux et amorphe. Il est un de ces curés d’Art, que nous connaissons tous : costume gris anthracite de laine vierge, coupe anglaise cintrée mais demi-mesure, poches en biais et petite poche ticket à la veste trois boutons, chemise blanche, pantalon à une pince avec sides adjusteurs et braguette à boutons. Attentif et distant, indifférent au monde jusqu’à ce qu’on lui vole son portefeuille, son portable et les boutons de manchettes en or de son grand-père qu’il porte avec une élégance distante et parfumée. Il dirige son musée (un white-cube évidemment) d’une main ferme mais de velours, la voix douce; toujours à l’écoute il est compréhensif avec tous, organisant dîner pour les collectionneurs-donateurs et les amis du musée pour récolter des fonds. Oubliant au réveil, les détails d’une partie fine dans les salons XVIIIe siècle du musée royal, alcoolisé et sous acide, ruisselant de sueurs et d’une sexualité à l’odeur animale (formidable Elisabeth Moss, cinglante et hilarante).
Sur la place devant le musée, le cartel du carré annonce :
« Le Carré est un sanctuaire de confiance et de bienveillance.
En son sein, nous avons tous les mêmes droits et les mêmes devoirs.»
Formule qui laisse de marbre les deux jeunes créatifs dynamiques de l’agence chargée de la com’ du musée qui décident d’utiliser les réseaux sociaux avec une vidéo provocante et performative pour lancer l’exposition de l’artiste “sociologique” Julian Gijoni
(inspiré de Julian Schnabel selon le réalisateur) auteur du carré magique, "in-bittable" à leurs yeux pour la presse et les journalistes. Si dans le carré blanc “tout est bienveillance” et sans odeur, à l’extérieur du carré, c’est pavé de vengeance, de violence, de rapports de forces, d’hypocrisie, de coups bas entre artistes jaloux, entre femmes et hommes et de la pauvreté repoussante d’immigrés d’Europe centrale dont un petit macho déterminé vient réclamer son dû. Il vient semer le chaos, créant un maëlström dont notre veule conservateur ne sortira pas grandi. Tout part à vau-l’eau dans cette version "upgradée" de la Dolce Vita de Fellini. L’art contemporain y est décrit sans acrimonie, en toile de fond avec ses ridicules et ses situations gênantes ou cocasses (les discours abscons, convenus et policés interrompus par un spectateur atteint du syndrôme de la Tourette, le menu du dîner donné par le chef du Musée, le happening dégénérant en viol et violence), mais ce n’est ni Intouchables, ni Musée Haut/Musée Bas, ici la satire est ajustée. L’art y est sans odeur (il sent un peu le désinfectant), clean, nettoyé tous les jours, néons et assemblages instables de sièges, de sons réverbérés et indistincts, de tas de graviers qui sont inspirés de Robert Richardson, on reconnait une œuvre (véridique) du photographe de street-art Gary Winogrand, autant que n+1 expositions que nous avons tous traversés le regard morne et distant comme les visiteurs du Musée X-Royal. On s'amuse même à reconnaître ici et là quelques célèbres commissaires d'exposition français. L’art contemporain présenté par les musées, porté par des femmes et des hommes de bonne volonté, y apparaît pour ce qu'il est pour beaucoup de gens aujourd'hui : un discours conventionnel de castes. Celui des petits-enfants des hommes portant des boutons de manchettes en or et des femmes portant les collets montés de la fin du XIXe siècle.
(inspiré de Julian Schnabel selon le réalisateur) auteur du carré magique, "in-bittable" à leurs yeux pour la presse et les journalistes. Si dans le carré blanc “tout est bienveillance” et sans odeur, à l’extérieur du carré, c’est pavé de vengeance, de violence, de rapports de forces, d’hypocrisie, de coups bas entre artistes jaloux, entre femmes et hommes et de la pauvreté repoussante d’immigrés d’Europe centrale dont un petit macho déterminé vient réclamer son dû. Il vient semer le chaos, créant un maëlström dont notre veule conservateur ne sortira pas grandi. Tout part à vau-l’eau dans cette version "upgradée" de la Dolce Vita de Fellini. L’art contemporain y est décrit sans acrimonie, en toile de fond avec ses ridicules et ses situations gênantes ou cocasses (les discours abscons, convenus et policés interrompus par un spectateur atteint du syndrôme de la Tourette, le menu du dîner donné par le chef du Musée, le happening dégénérant en viol et violence), mais ce n’est ni Intouchables, ni Musée Haut/Musée Bas, ici la satire est ajustée. L’art y est sans odeur (il sent un peu le désinfectant), clean, nettoyé tous les jours, néons et assemblages instables de sièges, de sons réverbérés et indistincts, de tas de graviers qui sont inspirés de Robert Richardson, on reconnait une œuvre (véridique) du photographe de street-art Gary Winogrand, autant que n+1 expositions que nous avons tous traversés le regard morne et distant comme les visiteurs du Musée X-Royal. On s'amuse même à reconnaître ici et là quelques célèbres commissaires d'exposition français. L’art contemporain présenté par les musées, porté par des femmes et des hommes de bonne volonté, y apparaît pour ce qu'il est pour beaucoup de gens aujourd'hui : un discours conventionnel de castes. Celui des petits-enfants des hommes portant des boutons de manchettes en or et des femmes portant les collets montés de la fin du XIXe siècle.
Admirablement mis en scène, The Square, est un portrait terrifiant et comique de notre temps à voir pour tous ceux qui aiment l'art et s'interrogent sur l'état de notre société.
Erik Levesque
Pour bien comprendre le film et ses références suédoises réelles :
En 2015 : Ruben Ostlund présente son installation "the Square" dans le musée le Vandalorum.
En mars 2015 - Des mendiants roms sont exposés comme sculptures vivantes dans une exposition du musée d'art contemporain de Malmö par le Malmö Konsthall, puis expulsés en Roumanie.
En 1996 - l'artiste russe Oleg Kulik, lors d'une performance dans une exposition à Stockholm, nu et en laisse, fait le chien : il détruit les œuvres des autres artistes et mord les invités.
Ruben Ostlund, cinéaste et plasticien, est également professeur de cinéma à l'Université de Göteborg, il est l'auteur de "Snow Therapy" en 2014.