mercredi 1 novembre 2023

Colloque IA versus RN - Philippe Cailloux - Designer - (VI/VII)

 Colloque 2023 Salon des Réalités Nouvelles

Samedi 21 octobre 2023


Philippe Cailloux, designer français basé à Palo Alto en Californie a su nous faire partager son expérience et son expertise, des modèles d’IA et des challenges techniques, nous résumons ici son intervention d'après nos notes et nous espérons la restituer au mieux.

Philippe Cailloux insistait beaucoup pour que la distinction entre application et démonstration soit bien faite, c'est à dire entre l'état de la recherche et les applications commerciales mises en démonstration sur le web par les entreprises dédiées que ce soit Stable Diffusion, Midjourney ou autres. L'esthétique visuelle impliquée par les prompts, c'est à dire les mots clés choisis par l'utilisateur, dépend des choix techniques des ingénieurs et des choix commerciaux des entreprises (start-up) en résolution bandes dessinées, mangas ou rendus photographiques. Mais ces choix n'impliquent pas au-delà de la démonstration mise en ligne que l'application ne puisse être mise au service d'une autre esthétique non commerciale ou moins commerciale dans un autre contexte. Il lui semblait que la prolifération attendue de ces logiciels, allait former des vagues incessantes et innombrables d'images, vagues sans doute croisées et contradictoires,  qui imposeraient un choix à chacun qu'il soit artiste ou non. En effet, il lui semblait que la question du faire, du comment faire une image, était dépassée par les synthétiseurs d'images, puisque la machine obéit à quelques mots-clés (dits prompts). Elle est utilisable par tout un chacun, et apporte plusieurs réponses possibles. Donc il y a un déplacement de l'esthétique, du faire de l'artiste, du savoir-faire à la question du choix, à la volonté de conserver telle image plutôt que telle autre. Et que c'était dans cet espace de détermination qu'allait se situer la création et s'exprimer la liberté artistique. Les synthétiseurs d'images interrogent donc les termes fondamentaux du choix entre raison et hasard, entre construction et  personnalisation, l'appropriation des images données par la machine.
Phillipe Cailloux reformulait la question paradoxale posée par Jennifer Bernstein du choix posé par les oeuvres de Ellsworth Kelly, qui se voulaient être dépersonnalisées par leurs process créatifs liés au hasard et sont en fait parfaitement identifiables et assignées à l'artiste. Ainsi l'IA comme «esprit» informatisés pourrait atteindre une véritable subjectivité, non par le process utilisé mais par le choix que l'artiste, le groupe d'artistes fera d'elle, replaçant le débat de la machine à l'humain.

________________________________________________________________________________

Aussi pour clore ce colloque et exprimer nos remerciements aux différents participants, nous avons envie de citer ces deux pensées du poète Michel Butor extraites du catalogue de l'exposition Les Immatériaux, Centre Pompidou, 1985, qui fut une des premières à vouloir donner à voir la démultiplication des champs sémantiques engendrée par un mot :

« Quand le droit à l'écriture s'inscrit sur l'espace des façades, 
le flou des gestes permet d'habiter les images. 
Mes mots se disposaient dans l'espace tout autour de moi comme un nuage.».

EL