samedi 4 novembre 2023

Colloque IA versus RN : Carol-Ann Braun et Denise Demaret-Pranville « Prompt Art » (VII/VII)

 Colloque 2023 Salon des Réalités Nouvelles

Samedi 21 octobre 2023


Lors du Salon Réalités Nouvelles 2023, Denise Demaret-Pranville, artiste plasticienne et mathématicienne, et Carol-Ann Braun, artiste multimédia, ont su nous faire partager  le résultat de leurs expérimentations « en symbiose » avec des outils dotés d’intelligence artificielle, celui d'une exposition « Prompt Art » dont elles assuraient le commissariat partagé avec une trentaine d’artistes du réseau Réalités Nouvelles et avec l'appui de David Victor Feldman. Lors du colloque Denise Demaret-Pranville nous en a explicité le protocole.


« Prompt Art »

par Denise Demaret-Pranville



« Prompt Art » : L’I.A. s’est invitée à l’espace Commines, au Salon des Réalités Nouvelles, du 19 au 22 octobre. Carol-Ann Braun et Denise Demaret-Pranville ont réuni un collectif d’une trentaine d’artistes du réseau des Réalités Nouvelles autour d’un travail réalisé avec un outil dit « d’Intelligence Artificielle», Stable Diffusion. L’objectif était de se confronter à cette nouvelle collaboration homme/machine et de produire des images pouvant inspirer les artistes dans leur travail plastique. Ces expérimentations ont été rassemblées dans des arbres de Pythagore, qui sont des structures modulaires fractales et qui ont été déployées le long du couloir au sous-sol de l’Espace Commines, dédié au thème « art et science ». 

Le dialogue avec l’I.A. s’est fait par l’intermédiaire de « prompts », c’est-à-dire de commandes sous forme de textes ou de mots, que chaque artiste a choisis en fonction de sa sensibilité artistique et de son imaginaire, la consigne principale, pour le groupe Réalités Nouvelles, étant de rester dans la non-figuration. 

 Des références à des formes (carrés, triangles, spirales, cube aplati, moucharabieh, …), à des couleurs (rouge, blanc, noir, 20% yellow green, …), à des artistes (Kusama, Nicolas de Staël, Buren, Mondrian, …), ont été évoquées dans ce dialogue avec l’outil. Certains artistes ont choisi de faire allusion à des ressentis , comme « flottant », ou « cauchemardesque » ou encore « qui produit un sentiment étrange… ». D’autres ont travaillé à partir d'une image numérique de leur propre travail, associée à des consignes écrites, l’artiste pouvant modifier le texte, changer quelques paramètres afin que le logiciel génère et affine des variantes. Les algorithmes de l’I.A. s’appuient sur la vaste base de données d’images d’internet, isolent des visuels, motifs et structures, qu’ils associent à des mots ou du texte et créent ainsi des modèles « texte-image », qui sont améliorés de manière itérative. Ces modèles utilisent des réseaux de neurones artificiels, pour ensuite générer des images et contenus que certains peuvent considérer comme étant « originaux », ce qui ouvre le débat sur la question des droits d’auteur. Les « œuvres » obtenues ont été souvent décevantes, parfois surprenantes, quelques fois intéressantes, mais, le travail itératif avec l’artiste– et les milliers d’artistes qui se servent de l’outil – fournit à l’I.A. un contexte d’« apprentissage » impressionnant. Au cours de cette expérience il est apparu que les modèles de cette I.A. étaient en général très éloignés de la non-figuration propre au groupe Réalités Nouvelles. 




Pour pallier ce manque, un des 32 artistes (informaticien et compositeur), David Victor Feldman, a créé une base de données rassemblant les œuvres réalisées par le groupe avec Stable Diffusion. Il a ensuite écrit un algorithme capable — par un jeu de substitution de pixels — de fusionner les œuvres entre elles, par groupe de trois à cinq artistes. Le résultat était surprenant et riche de pistes picturales collectives, et présageait du travail qui reste à faire : « entraîner » l’I.A. à reconnaître les paramètres de la non-figuration, si centrale dans l’identité des Réalités Nouvelles.