jeudi 29 septembre 2022

ALFREDO SIDES III - A VERSAILLES

Chapitre 3 - A Versailles

Le pavillon Montesquiou

Alfredo Sidès achète à M. Jalaclon de la Barre, le 26 juillet 1927, le pavillon Montesquiou à Versailles, 53 (62) avenue de Paris, ancien hôtel particulier de Robert de Montesquiou-Fezensac(63). Sidès fait de ce bâtiment du XVIIIe siècle de 800 m2 son « Théâtre-Musée (64) ». Il revend ce bien le 5 avril 1944 à l’architecte-paysagiste Georges Moser (65), collaborateur de Robert Mallet-Stevens. Le poète dandy Robert de Montesquiou est un ami de Filippo Tommaso Marinetti, l’inventeur du futurisme (66), comme en atteste différentes lettres et dédicaces du poète italien ; par exemple celle du drame en trois actes Poupées Électriques de 1909 qui est dédicacé « À mon cher Maître, Montesquiou de Fezensac, hommage et admiration(67). » Le dimanche 23 juillet 1939, René Gimpel raconte dans son Journal
l’escapade à Versailles avec la relieuse d’art Rose Adler (68) et la peintre Marie Laurencin : « Nous sommes quinze, chez Sidès dans sa maison du bout de l’avenue de Versailles. Le général Wemaere (1879-1956) nous a rejoints après le déjeuner, accompagné de ses filles et de notre fils Pierre. Fredo nous montre son théâtre XVIIIe ; nous nous trouvons dans l’ancienne demeure de Montesquiou. Ernest parle d’y jouer une pièce par Vitrac (69 &70). » Dès 1928, Sidès met son « Pavillon-Théâtre » à la disposition de la section versaillaise de la Société de la Légion d’honneur qui le remercie de cette généreuse proposition (71) et dont il est membre fondateur. La même année, Léo Larguier (72) lui dédicace sa nouvelle Les Gardiens, illustrée par Elsen (1896-1961) aux Éditions de l’Illustration, texte satirique, sans doute à clef, consacré aux marchands de tableaux et brocanteurs et dont Montesquiou est un des personnages (73). Sidès est cité parmi les auditeurs de la lecture que fait l’actrice Tonia Navar de l’Académie française de sa pièce L’Amour en coulisses, pièce qui doit être jouée au bénéfice des associations artistiques ! En 16 février 1929, Alfredo Sidèz est annoncé être fiancé avec l’actrice espagnole Raquel Meller (74), star du cinéma muet et du music-hall, icône des sombreros et des mantilles de l’España cañi (75).

Raquel Meller en Carmen


En 1930, Sidès est le possesseur de la terre cuite originale d’Auguste Rodin Jeune Femme et enfant, dont il fait tirer des bronzes par Rudier. Un exemplaire est offert par Monsieur Sidès au musée Rodin (76), quand un autre porte la mention « exemplaire unique pour monsieur Alfredo Sidès(77)» ! La reconnaissance mondaine de Sidès est si marquée que le  journal de Montpellier Le Sud ne manque pas de préciser sa venue le 6 mars 1931 à l’hôtel Métropole : « M Sidès, Alfred de Versailles(78) » entre les noms d’un directeur commercial finlandais, d’un négociant de Londres ou de Monte-Carlo. Le 30 janvier 1933, il fait partie des personnalités telles que Pierre Lazareff ou Françoise Rosay que Comœdia nomme, lors de la réception en l’honneur de l’acteur allemand, star du cinéma muet, Emil Jannings(79). En 1932, il a acheté l’hôtel Gît-le-Cœur (80) à Paris dont il apparaît être le propriétaire dans Paris-
adresses (81), et il est également propriétaire du 23-27 quai des Grands-Augustins dont les locataires sont Marcel Day, relieur-doreur, Martinaud, façonnage de papiers et l’antiquaire Raisin. En 1933, il propose dans Comœdia, suite au refus de Mme Le Reffait, propriétaire de la maison natale d’Anatole France, d’y apposer une place commémorative : « Pour permettre à la façade du 19 quai Malaquais "de ne pas attirer l’attention”, ne pourrait-on pas appliquer sur les maisons des quais environnants (et tout de suite avec joie et des bouffées d’orgueil sur la mienne, au coin de la rue Gît-le-Cœur et du quai des Grands-Augustins) des plaques ainsi conçues : “Anatole France, qui est né 19 quai Malaquais, venait souvent se promener (ou bouquiner) dans ces parages(82).” » 

Hôtel Gît-le Cœur par Atget (BNF)

 

Taudis, rue Gît-le-Cœur, Agence Rol (BNF)

Dans son journal, René Gimpel note au lundi 28 octobre 1935 : « Voici dix mois que je n’ai rien écrit, mais je vais ouvrir une galerie avec mon ami Fredo Sidès, qui part après-demain, et nous y vendrons aussi bien de l’art grec que des surréalistes ; aussi vais-je me trouver plus mêlé au mouvement moderne. » Il ajoute que Mme Cuttoli(83) va lui donner la représentation de ses tapisseries au point, faites d’après les cartons de Léger, Dufy, Lurçat et Coutaud (...) aux États-Unis. Puis il ajoute au 30 octobre : « Il [Sidès], part aujourd’hui en Amérique pour ouvrir ma maison. C’est un être pittoresque. L’autre jour, je parlais de la Société des Nations et il disait : “Ce qui devrait exister c’est la Société des Éléments. En ce
moment, l’Italie fait la guerre a l’Abyssinie et la Société des Nations veut arrêter le conflit : mais pour l’arrêter en quelques heures la Société des Éléments devrait s’y joindre avec le feu, l’air et les eaux. Elle seule d’ailleurs aurait pu l’empêcher de commencer (84).” ». Réflexion qui, si elle amuse René Gimpel, marque aussi la dimension néo-classique et théosophique de la pensée de Sidès qui se situe quelque part entre celles d’Isadora et de son frère Raymond Duncan et du Moly-Sabata de Gleizes, dont il est alors proche.

Notes

61 - In La Liberté, 16 septembre 1927.
62 - Aujourd’hui le 93.
63 - Robert de Montesquiou-Fezensac (1855-1921), poète, dandy, collectionneur d’art et d’antiquités. Il est entouré de nombreux marchands.
64 - « Devant Maître Lecuffer, notaire à Paris », in Archives de Seine-et Oise, 1968.
65 - « Devant Maître Gayot à Versailles », in Archives de Seine-et Oise, 1968.
66 - Mouvement moderniste italien, faisant l’apologie de la vitesse et du mécanisme, dont le seul membre français est Felix Del Marle (1889-1952), membre fondateur des Réalités Nouvelles en 1946 avec Alfredo Sidès.
67 - Vente de la Bibliothèque de Robert de Montesquiou, Paris, Hôtel Drouot, 2-4 avril 1924, lots 1304 et 1305.
68 - À la ville également Mme Claude-Roger Marx.
69 - Roger Vitrac (1899-1952), poète et ami du sculpteur Jacques Lipchitz (1891-1973).
70 - In René Gimpel, Journal d’un collectionneur, Marchand de tableaux, Hermann, Paris, 2011, p. 719.
71 - In Les Nouvelles de Versailles, 15 février 1928.
72 - Léo Larguier (1878-1950) est un écrivain, novelliste, élu membre de l’académie Goncourt en 1936, ami de Guillaume Apollinaire.
73 - Léo Larguier, Les Gardiens, éditions de l’Illustration, Paris, 1928.
74 - In The Chicago Tribune and The Daily News, New York (European edition), 16 th February, 1929.
75 - Raquel Meller (1888-1962) est une actrice et chanteuse barcelonaise, figure de l’España cañi et de l’Art déco, portraiturée par les peintres Joaquin Sorolla et Julio Romero de Torres.
76 - Jeune Femme et enfant, Musée Rodin Historique : entré au musée en 1930 « grâce à l’obligeance du possesseur de la terre cuite, M. Sidès » (Grappe, 1931, n°11bis). N° Inv S:00980.
77 - In America, vol. 19, n°230, 1979, p. 294.
78 - In Le Sud, journal républicain du matin, « Le Monde et la Ville », 6 mars 1931.
79 - Emil Jannings (1884-1950), célébrissime acteur allemand du cinéma muet, premier acteur à recevoir l’Oscar du meilleur acteur.
80 - L’Hôtel Gît-le-Cœur, 1-3 rue Gît-le-Cœur, Annuaire Didot-Bottin, 1922, Paris. Hôtel meublé, qui loue chambres et cabines. La rue Gît-le-Cœur est connue pour être un taudis, qui pue la pisse (selon Francis Carco) où se pratique la prostitution des bonnes et soubrettes, dans les différents hôtels et plus particulièrement dans une maison-close au 8. Au 9 on trouvait l’Hôtel Rachou qui deviendra en 1950 l’hôtel de la Beat Generation des écrivains Allen Ginsberg et William Burroughs, aujourd’hui un hôtel de luxe !
81- Paris-adresses, annuaire général de l’industrie et du commerce : corps constitués, administrations, professions libérales, propriétaires, rentiers, etc. de Paris et du département de la Seine, 1er janvier 1932, éd.Alavoine et Cie, Paris, p. 457.
82 - Gaston de Pawlowski, in Comœdia, le 6 janvier 1933.
83 - Marie Cuttoli, (1879-1973) créatrice des tapisseries Myrbor, grande collectionneuse d’art moderne. Elle est associée avec la galerie Jeanne Bucher.
84 - Ibid note 70, pp. 676-677.


@ Erik Levesque, Article Alfredo Sidès, une esquisse biographique, A Versailles (3/9) septembre 2022.

à suivre...

mercredi 28 septembre 2022

#147 - Architecte-Artiste - 2 , une proposition de David Apikian.




 



























Décès de Hiroshi Harada (1942-2022)

 Le Salon des Réalités Nouvelles

a la tristesse de vous annoncer le décès du peintre


Hiroshi Harada (1942-2022)

qui nous a quittés paisiblement le dimanche 25 septembre chez lui.

                            

   Ses obsèques auront lieu le lundi 03 octobre à 15h45 au Crématorium
(SICOMU) de l'Orme aux Moineaux,
12 rue de l'Orme aux Moineaux 91940 Les Ulis.


  Les Réalités Nouvelles
présentent toutes leurs condoléances à son épouse
Sylviane Harada, ses enfants, Quentin et Ayana et à ses amis.





Hiroshi Harada est né en 1942.  Après avoir étudié à l'école d'art Musashino à Tokyo. il décide de s'installer à Paris en 1969. Peintre respectant un ensemble de règles précises, Hiroshi Harada crée un espace poétique et pictural en soi et autonome.

 

Il nous conduit dans un univers ouvert dont il veut nous en faire ressentir les plus subtiles nuances, avec des moyens volontairement limités. C'est, sans aucun doute, sa qualité la plus remarquable, qui nous rappelle l'enseignement visuel des maîtres zen. Pour mieux comprendre la peinture d'Hiroshi Harada, il nous faut connaître son Orient et son Occident et l'imaginer en "enfant" des deux mondes, un créateur métissé qui a su perpétuer une part de l'héritage de l'art traditionnel japonais tout en le combinant avec le modernisme des peintres occidentaux de la première moitié du XXe siècle.

 

Il participe au Salon des Réalités Nouvelles, depuis 2004. 

 







lundi 26 septembre 2022

ALFREDO SIDES - II - Une figure parisienne des Années Folles auprès d’Isadora Duncan.

Anna Duncan dansant Abstract/Medium- source Wikipedia

Episode 2 - Une figure parisienne des Années Folles proche d’Isadora Duncan

À Paris, Henri-Pierre Roché (41) le retrouve à l’entracte de L’Homme et son désir de Paul Claudel et Darius Milhaud, au théâtre des Champs-Élysées, entouré de Louise Norton, de Braque qui vient de boxer Léonce Rosenberg, Derain, les Gleizes et Guitton, la cousine de Picabia(42). Alfredo Sidès apparaît dans la presse comme une figure dandy et mondaine du théâtre parisien, il est régulièrement cité par le journal Cœmedia, présent aux premières des spectacles du Tout-Paris des Années folles. Même si Marcel Duchamp, dans sa correspondance avec Ettie Stettheimer(43), explique qu’ils ne se voient pas (à Paris), bien que Sidès soit présent (44). 

De retour aux États-Unis, il achète à New York le 16 janvier 1923, pour 2900 dollars, un marbre de Rodin, La Méditation, à la succession Colt qu’il met en vente chez René Gimpel(45) à Paris (46). Selon Irma Duncan, la nièce d’Isadora Duncan, Freddo Sidès, qu’elle rencontre à New York, est employé (47) de la compagnie Alavoine et Cie Paris et New York, 9 rue Caumartin, Paris 9e. Associée à Joseph Duveen (beau-frère de René Gimpel), cette compagnie décore aussi bien dans le style Art déco que dans le style français du XVIIIe siècle en tapis, meubles et objets d’art, tant les appartements new-yorkais que le paquebot Normandie, travaillant avec la collaboration de Jeanne Lanvin et d’Armand-Albert Rateau. Lucien Alavoine et Cie ouvre une succursale à New York en 1893 avec le décorateur Allard. Parmi les réalisations célèbres, le Plaza Hotel en 1907, Marble House en 1892, The Breakers en 1895 ainsi qu’à Newport, de nombreux manoirs dessinés par l’architecte Richard Morris Hunt (1827-1895)(48). Si la compagnie Alavoine a une activité d’antiquaire, elle fait réaliser et vend également des copies de meubles XVIIIe que l’on trouve régulièrement dans des collections(49) ou en salle des ventes(50). Comme l’annonce un encart de 1936 dans Art News : « L.Alavoine &Co, décorations intérieures, mobilier, tapisseries et objets d’art (51). »
Selon Mercedes de Acosta, Sidès, qui fut le témoin de son mariage, organise des soirées mémorables dans son appartement du quai des Grands-Augustins avec la fameuse « génération perdue » des écrivains américains avec l’actrice Eva Le Gallienne et Zelda et Scott Fitzgerald(52). Il apparaît proche des danseuses Loïe Fuller, Ruth Saint Denis et Isadora Duncan pour laquelle il organise l’achat d’une maison à Neuilly (53) afin qu’elle puisse créer son école de danse, avec l’entremise du couturier Paul Poiret. En 1926, « l’Italien » Fredo Sidès rachète « le Temple de la Danse » d’Isadora Duncan, le sauvant de la faillite (54) : il organise une souscription et verse 50000 francs pour bloquer la vente, alors que Bourdelle lui offre sa célèbre Bacchante(55). Sidès a la réputation alors d'avoir été l'ancien amant éconduit de la danseuse.

Le Chicago Tribune and Daily News, New York, dans son édition parisienne du 11 mars 1927, remarque la présence de Fredo Sidès à la réception donnée par Mme Lottie Yorska en l’honneur d’Isadora Duncan dans son appartement du 126 boulevard du Montparnasse – parmi les invités, Miss Janet Flanner du New Yorker, Miss Margaret C. Anderson fondatrice de The Little Review, le peintre Laurence Vail et madame ainsi que Louise Janin – alors que lui-même organise un dîner dans son petit appartement du quai des Grands-Augustins le 19 mars (56). Au même moment, monsieur Alfredo Sidès, secrétaire du comité de soutien d’Isadora Duncan est reçu par le ministre des Beaux-Arts Édouard Herriot, qui apporte tout son soutien au projet d’école gratuite de la danse promue par la danseuse (57). La campagne de soutien à Isadora Duncan à son projet d’école est largement relayée par la presse artistique. 
Alfredo Sidès est fait chevalier de la Légion d’honneur le 20 août 1927 pour service rendu (58).
Après le décès accidentel d’Isadora Duncan, il accompagne le cortège funéraire à travers Paris vers le Père-Lachaise avec Mercedes de Acosta, Eva Le Gallienne (59), Marcel Herrand derrière Raymond Duncan et ses élèves « vêtus en péplum et sandalettes (60) » à l’antique, puis assiste à son incinération au cimetière du Père-Lachaise, où ses cendres reposent toujours au columbarium aujourd’hui. 

Jacques Coutant, dans La Liberté du 16 septembre 1927, décrit la veillée funèbre de Fredo Sidès : « Le plus cher ami d’Isadora, le plus fervent, le plus sensible, lui qui avait eu la délicate idée de former un comité pour racheter pour la danseuse son ancienne maison de Neuilly, ce temple de la danse qui renfermait tous les souvenirs de sa vie. Fredo Sidès parle de la “déesse” : – Avant d’être l’admirable artiste, celle qui a libéré la danse et créé l’orchestre du rythme, Isadora a été une mère. La disparition de ses enfants a été le malheur et le génie de sa vie. À chaque fois qu’elle a atteint cette sublimité dans l’immatériel, elle évoquait l’image de ses enfants chéris. Quand elle a dansé l’Ave Maria de Schubert, à la dernière représentation donnée au théâtre Mogador, le souvenir morbide qui la hantait était la continuation de son art. Frise vivante. Je ne veux pas faire, disait-t-elle, des élèves ; je veux faire l’orchestre et la danse. C’était là son dernier désir. Isadora a gardé la foi dans ce qu’elle a fait. La mort était son amie. Elle ne la redoutait pas. Elle me rendra mes petits, disait-elle. Dans la chambre, le jour se fait plus gris, les voix plus basses. Un grand souffle d’art est passé. Il y a un peu moins de lumière dans le monde. Trois hommes courbent la tête et pleurent (61). » 

Notes :

41- Henri-Pierre Roché, poète français et marchand d’art (1879-1959), libertin adepte du triolisme comme forme de vie et apologie de l’art. Présent à New York en 1917, ami de Beatrice Wood, Marcel Duchamp, Francis Picabia. Ses trouples, ou couples à trois, avec Marie Laurencin et Otto von Wätjen, puis Helen Grund et Franz Hessel sont restés célèbres. On lui doit les romans autobiographiques Jules et Jim et Deux Anglaises et le continent, adaptés au cinéma par François Truffaut.
42 -- In Henri-Pierre Roché, Carnets, les années Jules et Jim (1920-1921), éd. André Dimanche, 1990, p. 267.
43 - Henrietta Walter « Ettie » Stettheimer (1875-1955), écrivaine, sœur de la peintre et poète Florine
Stettheimer (1871-1944).
44 -  Lettres des 6 juillet et 1er septembre 1921, in Hector Obalk (dir.), Marcel Duchamp, Affectionately, Marcel: The Selected Correspondence of Marcel Duchamp, éd. Ludion Press, 2000, Gent, Belgique, pp. 99-101.
45 - René Gimpel (1881-1945) est un marchand d’art parisien, associé à Nathan Wildenstein, spécialiste du XVIIIe siècle. Réfugié à Cannes, pendant la Seconde Guerre mondiale, il organise un réseau de résistance avec ses fils, Jeanine Picabia et Jean Moulin. Arrêté par Vichy et interné, il est relâché fin 1942. En 1944, il est dénoncé à Lyon par l’antiquaire Jean-François Lefranc (1890-1950) aux Allemands. Il meurt d’épuisement au camp de concentration de Neuengamme le 3 janvier 1945. Ses enfants ouvrent la galerie René Gimpel & Sons à Londres en 1946.
46 - Voir fiche d’inventaire, Auguste Rodin, La Méditation avec bras, Meadows Museum, SMU, Dallas. Elizabeth Meadows Sculpture Collection, inv. n° MM 69.06.
47 -  Irma Duncan nomme Fredo Sidès, Freddo, Alfredo ou Alfred ! In Irma Duncan, Duncan Dancer: An Autobiography, éd. Wesleyan University Press, 1966, p. 181.
48 - James T. Maher, The Twilight of Splendor: Chronicles of the Age of American Palaces, éd. Little Brown & Co, Boston, 1975, 453 p.
49 - Par exemple, en 1932 dans la vente de la collection Mrs Chauncey Blair et Bartow Farr, on trouve provenant de chez Alavoine & Co : « Un reliquaire du XVIe siècle (lot 491), un siège régence début XVIIIe (lot 117), un fauteuil directoire courbé et peint, français, fin XVIIIe (lot 186), une paire de chenets (lot 170) et une table à téléphone en marqueterie de style Louis XVI (faite sur ordre par Alavoine & Co) (lot 176) », in A Collection of Exceptional Variety and Quality: English and Continental Furniture, American Art Association, NY, 1932, p. 28.
50 - Voir la vente de chaises Louis XVI, Alavoine & Co, Christie’s, 2011.
51 - The Art News, vol. 35, ISS. 7, November 14 th, 1936, pp. 5-10.
52 - À l’occasion de la représentation de sa pièce Jeanne d’Arc au Théâtre de la Porte Saint-Martin en 1925.
53 - « Freddo send me two sets for the Opera to see the Sakharoffs danse. » In Irma Duncan, Duncan Dancer: An Autobiography, éd. Wesleyan University Press, 1966, p. 181.
54 - In « Le temple de la danse est provisoirement sauvé », Le Quotidien, 6 décembre 1926.
55 - In « Isadora Duncan, Home Rebought, Neuilly House to become Temple of Dance », Daily News, New York, 18th February, 1927, European Edition, p. 7.
56 - In The Chicago Tribune and The Daily News, New York (European edition), Paris, March 11th et 19th, 1927.
57 - In Comœdia, les 27 février et 20 mars 1927.
58 - In Le Figaro, le 20 août 1927, p.2.
59 - L’actrice Eva Le Gallienne est Jeanne d’Arc dans une pièce de Mercedes de Acosta, au Théâtre de la Porte Saint-Martin à Paris le 25 juin 1925 dans un décor de Bel Geddes. In Bernhard Russel Works, Norman Bel Geddes: Man of Ideas, Wisconsin University Press, 1966, p. 224.
60 - In Comœdia, le 20 septembre 1927.
61 -  In La Liberté, 16 septembre 1927. 

@ Erik Levesque, Article Alfredo Sidès, une esquisse biographique, Une figure parisienne des Années Folles proche d'Isidora Duncan (2/9) septembre 2022.

à suivre...

mardi 20 septembre 2022

ALFREDO SIDES - AVANT 1919

Episode 1 :  AVANT 1919. 

Alfredo Sidès est né le 10 mars 1882 à Salonique en Grèce. Il est le fils de Elie Sidès et Paola Namias (1). Parisien, il est élève de l’institution Springer (2), rue de la Tour d’Auvergne, Paris 9e, où il fait ses études secondaires (3). Il serait le fils d’un banquier italien ruiné et d’une mère grecque aux allures royales. Il aurait commencé sa carrière comme choriste d’opéra(4), puis il est pianiste dans l’entourage de son ami, le harpiste virtuose Carlos Salzedo (5). En 1909, quand Salzedo quitte la France il reprend son piano (6). Le 3 mai 1914, l’antiquaire Fredo Sidès reçoit les palmes académiques, il est fait officier de l’Instruction publique au titre étranger, série E (7).  En janvier 1915, toujours à New York, il négocie la vente au Brooklyn Museum de lots d’étoffes provenant de la collection Besselièvre (9) pour le compte d’une marchande italienne nommée Mme Keller, opération qui aboutit en mai 1915 à un procès que Sidès gagne contre cette dernière et son complice qui ne lui ont pas versé sa quote-part (10). De cette époque naît sa rencontre avec la communauté d’artistes français (11) établie à New York pendant la Première Guerre mondiale : Picabia et sa femme, Gleizes (12) et Julie Roché, Crotti, Duchamp, groupe d’artistes proche de l’écrivain et le collectionneur Walter Arensberg (13), dont Beatrice Wood (14) fait le dessin dans Beatrice et ses 12 enfants, tout en ambiguïté sexuelle (15).

En 1916, il participe au gala-salon de bienfaisance à New York « Le Bazar des Alliés », au bénéfice des œuvres de guerre en faveur de la France. Il y présente une cabine (un stand) décorée par ses soins, « Le Vestiaire des blessés ». L’association-organisatrice, dont Alfredo Sidès est le secrétaire, est placée sous la présidence d’Anne Vanderbilt (16) et Félix Wildenstein (17). Tout dans « l’esprit de Versailles et du Petit Trianon », Sidès est signalé au bal masqué du Nouvel An 1917 à l’Hôtel des Artistes à New York. Parmi les invités notables, le peintre Henry Caro-Delvaille (18) et sa femme, et Jacques Copeau (19) ainsi que le décrit le Musical Courrier (20). Et il participe comme décorateur (21) à la pantomime Le mariage d’Héloïse, donnée le 1er juin 1917 au bénéfice de l’Union des Arts, spectacle amateur donné chez Mme Vincent Astor (22), mis en scène et en musique par Gabrielle Dorziat, mimé par René Wildenstein et Maurice Roche, dansé par Caro-Delvaille, au cours duquel chante Yvette Guilbert et où Jacques Copeau fait un discours. 



Article de Vogue du 6 janvier 1917
mentionnant la participation de Fredo Sidès
à la pantomime le Mariage d'Héloîse.


Le 4 mars 1918, Alfredo Sidès demande à Henry C. Frick la permission de venir avec des amis admirer ses collections (23), dont celles qu’il lui a vendu, lettre écrite sur un papier à en-tête du « Vestiaire des blessés », 712 5 th Avenue, ce qui est l’adresse de la compagnie Lucien Alavoine à New York, et où il y a de nombreuses galeries au premier étage. À côté, est situé le siège du parfumeur Coty au 714 (24 & 25). Alfredo Sidès est fait chevalier de la Légion d’honneur le 20 août 1927 pour « service rendu aux œuvres de bienfaisance et à la propagande française aux États-Unis pendant la guerre » à la demande du ministère des Affaires étrangères français (26).

En 1918, il donne au Metropolitan Museum de New York un bronze, Danseuse russe (27), daté de 1915 de la sculptrice new-yorkaise Renée Prahar (28)(1880-1963), une élève de Bourdelle à Paris.
La même année, Fredo Sidez(29) réconcilie les musiciens Edgard Varèse (30) et Carlos Salzedo, qui sont tous deux ses amis, pour qu’ils fondent le New Symphony Orchestra à New York(31).

Et le 30 septembre 1918, à New York, « the French Artist and Archeologist (l’artiste français et
archéologue) » Fredo Sidès participe à un récital de piano où il fait un bref discours sur les différentes étapes du « progrès humain (8) »

À partir de 1919, il participe à la fondation de la National Association of Harpists(32), association professionnelle des musiciens de New York, annoncée dans Musical America, le 3 janvier 1920 (33 & 34). Alfred Sidès est alors décrit dans le journal (35) de Carl Van Vechten (au Monday 25 th December, 1922) comme « Freddo Sides » avec lequel il dîne, acteur de second plan du théâtre de Broadway (sans doute le French Repertory Theater) qui participe à l’Algonquin Round Table, cercle littéraire et mondain « surréaliste et dadaïste » du théâtre de New York, où siègent entre autres Simon Kaufmann, Mankiewicz, Marcel Duchamp, Irving Berlin et... Harpo Marx ! La relation avec Carl Van Vechten s’établit sur la durée puisque celui-ci le photographie ainsi que sa femme Consuelo pour leur mariage (36) dans les années 1930.
Peut-être que Sidès a joué dans What Next? de la poétesse et dramaturge Mercedes de Acosta, qui le croise alors pour la première fois et le décrit dans son autobiographie Here Lies the Heart (37) : « Environ un an avant la production de What Next? [c’est-à-dire en 1919], j’ai rencontré Alfredo Sidès qui, de cette première période de ma vie jusqu’à sa mort en 1952, devait s’y faufiler dans une circonstance ou une autre. Quelque soient les mérites ou les défauts d’Alfredo, il était original dans les deux. Je n’ai jamais connu d’homme comme lui. Pendant toutes les années où je l’ai connu, je n’ai jamais pu découvrir son origine. Il était citoyen français et avait un passeport français. Quand je l’ai rencontré pour la première fois à New York, on m’a dit qu’il était un Juif turc. Lorsque nous sommes devenus amis, il a nié les deux mais, à plusieurs reprises, il m’a raconté des histoires contradictoires sur ses origines. À un moment donné, il m’a dit qu’il était espagnol, mais quelques années plus tard, il m’a dit qu’il était italien. Cela m’a laissé perplexe car il parlait les deux langues, et aussi le français,
comme un autochtone. Il ne fait aucun doute que son apparence, son attitude d’esprit et son approche de la vie étaient toutes orientales, mais peu importait ce qu’il était, mis à part une curiosité insatisfaite, car son regard sur la vie était si large, si original et rafraîchissant, et lui-même avait une personnalité si forte, et c’était en même temps un ami si chaleureux, que des choses aussi mineures que le lieu de naissance, la race ou la nationalité n’avaient aucune importance. (...) Comme il fallait s’y attendre, Alfredo a assisté quotidiennement à toutes les répétitions de What Next?, entouré de femmes dans les coulisses ou assis avec une dans l’obscurité du théâtre à l’avant (38). »

En tout cas Alfredo Sidès revient à Paris et il est naturalisé français le 7 octobre 1920 (39), profession : antiquaire. Le 14 octobre 1921, Sidès « 41, rue des Martyrs » est admis membre de la Chambre syndicale de la curiosité et des beaux-arts, chambre des négociants en objets d’art, tableaux et curiosités, dont les membres du conseil d’administration sont Bernheim, Durand-Ruel, Jos Hessel... À l’ordre du jour (40), l’œuvre féconde de la propagande artistique pour la diffusion artistique, l’abrogation de la loi d’exportation des objets d’art,inefficace et entrave aux commerces, et la création d’une filiale de la chambre à New York.

Notes :
1 - Acte de décès n°556-289, du 1er août 1952, in Archives de Paris 1952. Décès. Cote O6. 6D264.
2 - L’institution Springer est une école d’enseignement supérieur confessionnelle israélite qui prépare au baccalauréat ou au commerce, ouverte à Paris 9e, 34-36 rue de la Tour d’Auvergne, école fondée en 1854. In Archives israélites de France, n°17, septembre 1872, vol. 50, p. 506. Les cours étaient donnés rue Laferrière dans un hôtel particulier par messieurs Ziegel, Edelmann et Prax. Les cours de religion par le rabbin Israël Levi.Les cours d’anglais par Victor Basquet, un Martiniquais.
3 - L’écrivain Pierre Frondaie évoque les anciens élèves de l’institution Springer dans son article « Mémoires », publié le 20 décembre 1947 dans le journal L’Ordre, pp. 1-3.
4 - In Sophie Chauveau, Sonia Delaunay, La vie magnifique, éd. Tallandier, 2019.
5 - Carlos Salzedo (1885-1961), harpiste et compositeur d’origine française, américain depuis 1923.
6 - In Dewey Owens, Carlos Salzado: From Aeolian to Thunder: A Biography, éd. Lyon & Healy Harps, Chicago, 1992, p. 51 et p. 60.
7- In Journal officiel de la République française, au titre du ministère de l’Instruction publique et des Beaux- Arts, 3 mai 1914, p. 4014.
8 - In « Group of noted artists join in impromptu program at Glen Cove », in Musical America, 1918.
9 - Catalogue des étoffes européennes et orientales, étoffes coptes, persanes, etc. soies et velours européens appartenant à M. Besselièvre dont la vente eut lieu à Paris, Hôtel Drouot, salle n°6, les lundi 29 et mardi 30 juin 1914 à deux heures.
10 - « Institute’s laces, $9000 could have been had for $2,000 » in The Brooklyn Daily Eagle, May 16 th, 1915, p.1.
11 - In Frederick Macbronnier, « French Artists Spur on American Art », New York Tribune, October 21st, 1915.
12 - « New York is more alive and stimulating than France ever was, two French painters, couple Gleizes », New York Tribune, October 8 th, 1915.
13 - Décrit comme un « collectionneur d’art italien », in Sisley Huddleston, Paris, Salons, Cafés, studios, The tragedy of a dancer, éd. Philadelphia, 1928.
14 - Beatrice Wood (1893-1998) est une artiste peintre californienne dadaïste.
15 - Beatrice Wood, Beatrice et ses 12 enfants, aquarelle, v. 1917, Philadelphia Museum of Art, reproduite et commentée in Paul Franklin, « Beatrice Wood, her Dada... and her Mama », Women in Dada, Essays on Sex, Gender and Identity, MIT Press, Boston, 1998, pp. 101-124.
16 - Anne Harriman Vanderbilt (1861-1940), épouse de William Vanderbilt, petit-fils de Cornelius Vanderbilt. La famille Vanderbilt, grands collectionneurs et artistes, est liée aussi bien au cercle de Robert de Montesquiou,qu’à la création du Metropolitan Museum et du Whitney Museum de New York.
17 - In L’Excelsior, 9 août 1916.
18 - Henry Caro-Delvaille (1876-1928), peintre mondain et décorateur français, fait une brillante carrière à New York de 1917 à 1925.
19 - Le dramaturge Jacques Copeau (1879-1949) est à New York pour un séjour de 4 mois. Invité à reconstituer la compagnie du Vieux Colombier, il établit avec Louis Jouvet le nouveau dispositif scénique au Garrick Theatre de New York, en particulier avec des décors reconstitués de Pierre Bonnard. In cat. Jacques Copeau et le Vieux-Colombier, BNF, 1963, p. 23.
20 - In Musical Courrier, vol. 74. ISS. 13, March 29 th, 1917, p. 54.
21 - In Vogue, vol. 49, ISS. 11, January 6th, 1917, p. 55.
22 - Helen Huntington Astor Hull (1893-1976), philanthrope et mécène du Metropolitan Opera de New York.
23 - In The Frick Collection, « Letter from M. Alfredo Sides to Henry C. Frick », March 4th, 1918 à consulter en ligne transcrit.be.frick.org, consulté le 9 juillet 2022.
24 - In Art News, vol. 17, New York, 1918, p. 1.
25 - In Vogue, vol. 49, ISS. 11, June 1st, 1917, p. 55.
26 - In Le Figaro, 20 août 1927, p. 2.
27 - The Metropolitan Museum of Art, New York, inv. n° 18.106.
28 - American Sculpture, A catalogue of the collection of the Metropolitan Museum of Art, The Metropolitan Museum of Art, New York, 1965, p. 140.
29 - In Louise Varèse, Varèse, A Looking-Glass Diary, éd. W.W. Norton & Company, New York, 1972, p. 152.
30 - In Fernand Ouellette, Edgard Varèse: a Musical Biography, éd. Da Capo Press, New York, 1981, pp. 52-53.
31 - In Dewey Owens, Carlos Salzado: From Aeolian to Thunder, A Biography, éd. Lyon & Healy Harps, Chicago, 1992, p. 51 et p. 60.
32 - New Symphony Orchestra est une association de musiciens et un orchestre autogéré qui donnent des concerts et récitals de musique classique.
33 - Ibid note 29, p. 20.
34 - « New Association aims to band Harpists of country together », in Musical America, vol. 32, ISS. 19, September 4 th, 1920, p. 21.
35 - Note de l’éditeur Bruce Kellner, in Carl Van Vechten, The Splendid Drunken Twenties Diary: Selections from the Daybooks, 1922-1930, University of Illinois Press, Urnana and Chicago, 2003, p. 17.
36 - Photographies issues des archives de l’association Meher Baba, in Simon Onno, Documents Fredo Sidès, Association des amis de Meher Baba, 2022, Montreuil. Archives Réalités Nouvelles.
37 - Mercedes de Acosta, Here Lies the Heart. A Tale of my Life, éd. Reynal and Co, 1960, 372 p.
38 - Ibid note 37, pp. 98-99.
39 - Archives nationales, décrets de naturalisation de l’année 1920. Cotes : 4125x19, Sides, Alfredo.
40 - Bulletin de la chambre syndicale de la curiosité et des beaux-arts, Paris, 1er janvier 1922, n°69, p. 16.

@ Erik Levesque, Article Alfredo Sidès, une esquisse biographique, Avant 1919 (1/9) septembre 2022.


à suivre...