jeudi 13 mai 2021

Fredo Sidès (1882-1952) : De l'opéra aux Réalités Nouvelles

Mis à jour le 17 janvier 2024 !

Un article plus détaillé et précis en 9 chapitres avec des informations complémentaires est publié  :

https://eriklevesquenotebook.blogspot.com/2023/03/une-biographie-de-alfredo-sides.html

 

Mis à jour le 05 septembre 2022.

Un article plus détaillé en 9 épisodes est publié à partir de la page

https://realitesnouvelles.blogspot.com/2022/09/fredo-sides-une-esquisse-biographique.html

 

L'article ci-dessous a été publié le 13 mai 2021.

Personnage légendaire et peu connu, Fredo Sidès est le premier président-fondateur des Réalités Nouvelles, on sait peu de choses sur sa vie. A l'occasion d'une demande d'une chercheuse-éditrice new-yorkaise, Jennifer Bernstein diplomée de l'Université de Harvard, j'ai plongé dans les archives et j'en ai tiré le portrait "chinois" d'un aventurier qui a su créer le Salon des Réalités Nouvelles en 1939 et 1946.

Fredo Sidès


Né le 10 mars 1882 à Salonique en Grèce, il serait le fils  d'un banquier italien ruiné et d'une mère grecque aux allures royales. Il a commencé sa carrière comme choriste d'opéra, puis vers 1910 à Paris comme pianiste dans l'entourage de son ami, le harpiste virtuose Carlos Salzedo. Le 3 mai 1914, l'antiquaire Fredo Sidès reçoit les palmes académiques (il est fait Officier de l'Instruction Publique).

Et il fait fortune entre Paris et New York où il s'établit d'abord comme musicien-acteur, imprésario sous le nom d'Alfred Sidès puis comme marchand d'objets d'art, vivant au milieu de l'avant-garde dadaïste, ce qui lui vaudra le surnom donné par Beatrice Wood de "marchand de tapis libanais".
En 1916, il participe à un gala-salon de bienfaisance à New York "Le Bazar des alliés" au bénéfice des œuvres de guerre en faveur de la France, sous la présidence de Anne Vanderbidlt et Félix Wildenstein, association dont Alfredo Sidès est le secrétaire et qui y présente une cabine (un stand) décorée par ses soins : le Vestiaire des blessés. En remerciement Alfredo Sidès est fait chevalier de la Légion d'Honneur le 20 Août 1927 pour "service rendu aux œuvres de bienfaisance et à la propagande française aux Etats-Unis pendant la guerre" à la demande du ministère des affaires étrangères.

Le 4 Mars 1918 Alfredo Sidès demande à Henry C.Frick la permission de venir admirer ses collections, dont celles qu'il lui a vendu (dont le portrait de Robert de Montesquiou par Whistler ?), avec des amis. Il "habite" alors 712 5e Avenue, ce qui est l'adresse de la Compagnie Lucien Alavoine à New York, où il y a de nombreuses galeries au premier étage. A coté, est situé le siège du parfumeur Coty au 714. La même année il donne au Metropolitan Museum, une sculpture "Danseuse Russe" de 1915 de la new-yorkaise Renée Prahar (1880-1963), une élève de Bourdelle à Paris. En 1918, il réconcilie les musiciens Edgar Varèse et Carlos Salzedo pour qu'ils fondent le New Symphony Orchestra à New York. En 1919, il participe à la fondation "National Association of Harpists", association professionnelle des musiciens. Alfred Sidès est alors décrit dans le journal de Carl Van Vechten comme un acteur de second plan du théâtre de Broadway (sans doute le French Repertory Theater) qui participe à "l'Algonquin Round Table", cercle littéraire et mondain "surréaliste et dadaïste " du théâtre de New York, où siège entre autres Simon Kaufmann, Mankievitch, Marcel Duchamp ou Irvin Berling ou ... Harpo Marx !

En 1920 il est à Paris puisqu'il y est naturalisé français le 7 octobre. Toujours à Paris, il apparaît proche des danseuses Loie Füller, Ruth Saint Denis, Isidora Duncan, (et de sa nièce Irma), pour qui il organise l'achat d'une maison à Neuilly pour qu'elle puisse créer son école de danse avec l'entremise de Paul Poiret, puis en 1926 "l'italien" Fredo Sidès rachète "le Temple de la Danse" de Isidora Duncan, la sauvant de la faillite. Mais Fredo Sidès semble toujours changer d'identité, puisqu'il est appelé suivant les témoignages, Fredo, A.Frédo-Sidès, Alfred, Alfred de Sidès, Alfredo de Sidès, voir Fredo Toni Sides ou Sidez !

Par la suite il est employé de la Compagnie Alavoine et Cie Paris et New York, 9 rue Caumartin, Paris 9e, compagnie associée à Joseph Duveen, (beau-frère de René Gimpel), compagnie qui décore aussi bien dans le style Art Deco que dans le style français du XVIIIe siècle en tapis, meubles et objets d'art, les appartements de New York que le paquebot Normandie avec la collaboration de Jeanne Lanvin ou de Armand-Albert Rateau.

En 1923, le 16 janvier il achète à New York pour 2900 dollars, un marbre de Rodin "La méditation" à la succession Colt qu'il met en vente chez Gimpel à Paris. Il travaille à New York à la "Fredo Sidès Gallery", en lien avec René Gimpel à organiser des ventes d'antiquités et d'objets d'art du 18e siècle français, puis de 1935 à 1938, il prend la direction de la Galerie Gimpel de New York,  où il présente un choix éclectique de sculptures de Rodin, des dessins de Fragonard et une Sainte Geneviève médiévale. En 1936, il présente les artistes Edmond Ceria, Coutaud, Gilles Esnault, Marie Laurencin, Clement Oudot, Fillipo de Pisis, Madeleine Quoirez, Alberto Savinio, Joachim Weingart, et Eugene Zak et des tapis MYRBOR de Marie Cuttoli ! 

Propriétaire au 25 quai des Grands Augustins à Paris, il achète en 1927, le pavillon Montesquiou à Versailles 53, avenue de Paris (aujourd'hui N°93 et ancien hôtel particulier de Robert de Montesquiou) dont il fait son "Théâtre-Musée". Il revend ce bien le 5 avril 1944 à l'architecte-paysagiste Georges Moser collaborateur de Robert Mallet-Stevens. En 1929, Alfredo Sidèz est fiancé à l'actrice espagnole star Raquel Meller. 

En 1930, il est le possesseur de la terre cuite originale de Auguste Rodin "Jeune Femme et enfant" dont il fait tirer des bronzes par Rudier dont un exemplaire est offert "par Monsieur M.Sidès" au Musée Rodin, quand un autre porte la mention : "exemplaire unique pour monsieur Alfredo Sidès" !

Il est alors proche de Albert Gleizes et de son marchand Léonce Rosenberg.  C'est à cette époque qu'il rencontre Consuelo Hatmaker (1902-1966) richissime franco-américaine, héritière de mines d'or (!) , qui avait divorcé en 1926 de l'aviateur héros, As de 1914-1918, le fameux Charles Nungesser, une année avant qu'il ne disparaisse en mer dans sa tentative de traversée de l'Atlantique en 1927 en avion "L'oiseau Blanc" avec son ami François Coli.
 
Charles Nungesser et Consuelo Hatmaker
sur un Spad-Blériot, le Bourget 1923 (source BNF)


 
Charles Nungesser et sa fiancée en 1923, 
Consuelo retourne rapidement vivre à New York.


Elle épouse en seconde noces Fredo Sidès, le 7 octobre 1934 à Paris.
Le couple s'installe à Versailles. En 1936/37, le couple dans sa maison parisienne accueille le gourou indien Meher Baba, qui fait vœux de silence, 1 rue Gît-le-Cœur et à Cannes. Consuelo semble particulièrement en phase avec ce mystique.

Fredo Sides au premier plan, le gourou Meher Baba 
et Consuelo de Sidès vêtue en sari. 

Il est associé à René Gimpel en 1938 à travers une nouvelle galerie à New York où sont présentées en exclusivité les tapisseries de Marie Cuttoli. 
Et c'est pourtant bien avec un critique musicaliste Yvanhoé Rambosson que Fredo Sidès organise la première exposition des Réalités Nouvelles en 1939 sous l'égide de Robert et Sonia Delaunay.
Pendant la seconde guerre mondiale, Fredo Sidès divorcé,(sa femme est aux USA) se réfugie à Cannes où la Galerie Fredo Sidès expose une centaine de dessins de Picabia en 1943. Dans le même temps il fonde un "Musée de la Crèche et du Santon, Chapelle Saint-Sébastien" à Mougins, où il cache les artistes juifs comme Sonia Delaunay. A la libération, il se bat au côté de la famille Gimpel pour récupérer les biens spoliés à René Gimpel par l'occupation.
Il organise le Salon des Réalités Nouvelles de 1946 à 1953 avec l'aide de Peggy Guggenheim, son amie. Le 28 Août 1950 le critique d'art Alfredo Sidès est fait officier de la Légion d'Honneur par le ministère de l'Education Nationale. Il crée une revue avec Le Corbusier entre 1951-53 : "Forme et Vie". En 1952, il organise une tournée de danse contemporaine en hommage à Isidora Duncan !
En 1946, Fredo Sidès se serait encore présenté comme imprésario d'opéras à Paris alors qu'il organise une fois par mois les réunions de préparation du Salon, chez lui 1 rue Gît-le-Cœur (immeuble décoré de couleur saumon, avec un ascenseur et avec une sculpture de Rodin dans le hall d'entrée selon le témoignage de Ludwig Bemelmans qui y vécu dans les années 1950) où Fredo Sidès meurt d'un infarctus le 1er Août 1952, après avoir rédiger son testament le 25 décembre 1951 en faveur de l'Assistance Publique de Paris. Sa légataire universelle est Ida Carasso, sa sœur.

Le Cœur Noir (the Black Heart), armes de Charles Nungesser,
puis Consuelo et Fredo s'installent rue Gît-le-Cœur (The Heart rests)
où Fredo Sidès meurt d'un infarctus !


Consuelo meurt en 1966 et est enterrée dans un mausolée néo-grec à New York. Sa demi-sœur, la célèbre mécéne des arts, Alice DeLamar, conserve le pied-à-terre familial 1 rue Gît-le-Cœur. Elle meurt en 1983. Ses collections sont vendues aux enchères le 11 Avril 1984 par Philipps.


La tombe de "Connie"




Charles et Consuelo 

 
NB: Pour ceux que cela amuse le film de Jean Renoir, "La règle du Jeu" (1939) est bourré de références à Nungesser (André Jurieux, joué par Roland Toutain) et à Consuelo (devenue Christine jouée par Nora Gregor) et Fredo Sidès devenu le Marquis de la Chesnay joué par Marcel Dalio).

Erik Levesque