dimanche 4 novembre 2012

Herbin en Cateau-Cambresis par Gilles Deleuze

Le musée départemental Matisse de Cateau-Cambrésis consacre une rétrospective à

Figure incontournable des Réalités Nouvelles dont il fut le vice-président au début des années 50 et à qui l'on doit le fameux manifeste de 1948  affirmant les valeurs plastiques et universelles du Salon des Réalités Nouvelles. Il y déclarait notamment : 

"toute démagogie en art engendre l'idolâtrie qui conduit à l'esclavage et nous revendiquons plus que jamais la liberté d'expression (...) Un véritable créateur ne travaille pas pour le bifteck. Les vrais créateurs n'ont jamais fait fortune."


Dans son cours, dont vous avez ici un extrait de la transcription, le philosophe Gilles Deleuze en 1981 présentait ainsi l'oeuvre d'Auguste Herbin (1882-1960) :


"Tout ce que j’essaie de dire, voilà c’est que, au niveau de la peinture abstraite, celui qui était allé le plus loin, il me semble, c’est le peintre dont je vous ai parlé, et qui me paraît un très, très grand peintre abstrait. 
C’est Herbin.



Et Herbin, lui il va très loin. Simplement il invente son code. On n’emprunte pas le code du voisin. « Il invente son code », ça veut dire quoi ? Il fait un truc qu’il appelle ... Lui, il veut appeler sa peinture un « alphabet plastique ».

Alphabet plastique, et lui il prend quatre formes, quatre formes fondamentales. Quatre unités significatives qui selon lui sont : le triangle, la sphère, l’hémisphère, le quadrangulaire (le rectangle, et le carré). Il a ses quatre formes. Il a quatre formes à titre d’unités, et il les fait passer par des rapports binaires, rapports binaires, un peu comme Kandinsky concernant cette fois-ci la couleur, concernant la disposition affective, et bien plus, il ajoute - est ce que c’est coquetterie, ou c’est quelque chose de plus profond ? - Il y ajoute des lettres de l’alphabet. Si bien qu’il compose ses tableaux souvent, à partir et en fonction, ou l’inverse, il donne le titre correspondant aux lettres déterminées par les unités picturales. Par exemple, il intitule un tableau « Nu ». Et il faut décomposer « Nu ». « N »-« U ». Voir à quelle forme plastique correspond le « N », à quelle forme plastique correspond le « U », à quelle couleur, etc, etc. Un peu , vous savez, comme Bach jouait avec le mot Bach en musique. Donc, il va très loin dans le thème "un alphabet plastique" Qu’est ce que ça veut dire tout ça ? Ça donne, en effet, des chefs d’œuvre. C’est un grand coloriste. Est ce que c’est plaqué cette idée ?

Non, moi, je vois mal la possibilité de "voir" la peinture abstraite sans y "voir", non pas l’application d’un code préexistant, mais l’invention d’un code optique. Encore une fois, ce code optique étant fondé sur la double articulation.
- Premièrement, des unités significatives picturalement.
- Deuxièmement, des choix binaires élémentaires qui déterminent ces unités."


Gilles Deleuze in cours du 17- 05/05/81 - 1  à Paris VIII voir en ligne La voix de Gilles Deleuze

Erik Levesque

Au musée départemental Matisse, Le Cateau-Cambrésis
Exposition organisée en partenariat avec le musée d’Art Moderne de Céret Avec le soutien de l’Association des amis du Musée Matisse pour l’enrichissement de la collection Herbin,
et du mécénat du Crédit du Nord

Exposition présentée du 14.10.2012 au 03.02.2013
   
Musée départemental Matisse
Palais Fénelon
59360 Le Cateau-Cambrésis
T. 33 (0)3 59 73 38 00/06
museematisse@cg59.fr
www.museematisse.cg59.fr