dimanche 24 mai 2020

#104 - Au Gnouf en Quatorzaine !




« Coronavirus ! », « C’est la guerre ! », « C’est la grippe espagnole ! », confinement, quarantaine, réclusion, isolement, enfermer, chambre, déposer, abbaye, arrestation, bagne, bannissement, captivité, chartreuse, chiourme, claustration, cloître, clôture, communauté, condamnation, contrainte, convent, cour, déportation, détention, écrou, éloignement, emprisonnement, enfer, enfermement, exil, galère, incarcération, internement, isolement, mise à l’ombre, prison, propriété, pré, préside, prévention, punition, pénitencier, relégation, retraite, réclusion, servitude, solitude, séparation, séquestration, taule, transportation, travaux forcés, tôle … zoo !

14 artistes répondent à la question : 

votre travail a-t-il changé pendant cette expérience de 55 jours ?

3 au 13 juin 2020 à la galerie Abstract Project, 
5 rue des Immeubles Industriels 75011 Paris. 



Déconfits

Et la société du spectacle fut mise KO debout par un machin de quelques microns de taille, qui se passait de la main à la main, et que naturellement personne ne voyait. Le choc fut complet. L’équipe de la bibliothèque du musée d’art moderne était complètement déprimée, et souhaitait “ du fond du cœur que cette Newsletter puisse être lue par tous ses destinataires et que vos proches et votre entourage sont également en bonne santé. Nous vous espérons dans des situations de confinement pas trop contraintes et que votre moral est bon”. Car on devait rester à la maison confinés, isolés les uns des autres, les mains propres, avait dit le bon docteur. Les artistes du théâtre et de la musique étaient tétanisés à lire “Le savon” ou “Les animaux malades de la peste”, comme embastillés sur leurs téléphones, les yeux écarquillés. D’autres se découvraient petits-bourgeois rêveurs et gourmands, entre pantoufles et petits plats quand tous les restaurants étaient clos. L’art était au zoo. Industrie non indispensable, clouée au sol avec les avions. On aurait dit que la société du spectacle était prise dans une vaste toile d’araignée. Musées, expositions, festivals, foires, représentations théâtrales, étaient annulés. La faillite était totale. Les galeries grandiloquentes annonçaient qu’on ne les y reprendrait plus et que demain ne serait plus hier et appelaient le gouvernement à un plan de secours. Les grands acteurs du cinéma se prononcèrent sévèrement et définitivement pour la refondation d’un avenir nouveau quand d’autres d’un naturel plus pessimiste prévoyaient que demain serait la même chose qu’hier en pire. 
Les artistes plasticiens, enfermés à l’année dans leurs ateliers, ne voient pas tant la différence. Certains avaient rejoint leur atelier à la campagne, quand d’autres étaient confinés dans des appartements parisiens exigus avec leur famille dans l’impossibilité de se déplacer. A chaque jour sa création, ils postaient leurs remarques égotiques, pour dire qu’ils existaient toujours par leur journal intime éventé sur Instagram ou Facebook. Leur atelier était leur chambre de malade à moins que cela ne soit l’inverse. La société était sans dessus dessous. L’art était reclus, ficelé, en suspens... Shibari !
C’était la guerre avait dit le président, qui faisait comprendre à tout un chacun ce qu’avait pu être l’incompétence administrative et la bêtise de l’état-major en 1940. Avec Daladier, on avait même retrouvé d’un seul coup lettres de dénonciation anonymes, marché noir et système D ! Dans l’incapacité de s’approvisionner en matériel, on travaillait sur son stock pour les plus prévoyants ou sur du matériel de récupération. Certains emballaient livres, récupéraient les emballages, les boîtes de conserves, et le bois des cageots de fruits… dans l’attente de l’annonce de la fin d’une quarantaine de 14 jours par trois fois repoussée à cause du nombre de morts, d’entrées en réanimation ou de nouveaux contaminés.
Aujourd’hui 14 artistes répondent à la question, votre travail a-t-il changé pendant cette expérience de 56 jours ?

Erik Levesque
Paris, 8 mai 2020