samedi 11 avril 2015

Susan Cantrick, figure des Réalités Nouvelles

"Libre " 

Une Exposition de Susan Cantrick 

à l'Espace Abstract Project


" Etre libre, ce n’est pas faire n’importe quoi ; c’est aller jusqu’au bout de chaque chose. »

Paul Rebeyrolle



“Art is a free space in society where anything is possible.”
« L’art est un espace libre dans la société où tout est possible. »
Chris Burden

“There is no such thing as art; there are only artists.”
E.F. Gombrich 


Susan Cantrick propose à l’Espace Abstract Project, une exposition intitulée "libre" qui cherche à mettre en avant l’esprit et le processus qui l'anime autant que présenter les peintures elles-même fruits de son engagement quotidien dans l’atelier. Ainsi l’artiste affirme vouloir “aller au bout” de la peinture considérée comme un état d’esprit fait de liberté et de rigueur démontrée en processus et objet.

Des toiles de formats moyens à l’acrylique sont exposées au côté d’oeuvres sur papier encadrées sous-verre. Les oeuvres de Susan Cantrick nous apparaissent comme des talismans, des objets magiques qui semblent vouloir nous protéger d’un sort, ou bien être des objets de réconciliation avec le monde.

Elles se composent de contrastes simultanées, comme des jeux de saturation/désaturation d’une couleur construite et en assemblage “post-cubiste”, presque en papier collé avec des effets de textures variées. Des formes découpées en trapèze, carré ou rectangle, se recouvrent et s’emboîtent les uns dans les autres en un morcelage de formes. Ensemble elles évoquent par leur volonté d’atteindre à la justesse de la sensation colorée l’oeuvre d’un Braque sous vert acide. A cette désaturation, Susan Cantrick oppose un contraste, un “réveillon” comme on disait en théorie au XIXe siècle, quand dans une composition avec un effet d’ensemble en grisaille, on opposait une petite touche de rouge au premier plan pour réveiller l’ensemble et perdre le regard du spectateur.

Travailler la désaturation de la couleur, travailler à son apaisement… Jamais la couleur telle qu’elle est formulée, aujourd’hui c'est à dire fabriquée, n’a été aussi saturée sortie du tube. Susan Cantrick travaille la couleur, la désagrège doucement donnant à sa couleur de base la dégradation vers le blanc, le noir ou la rompant vers son alter-ego … La couleur serait un autre moi. Aussi Susan Cantrick entraîne la valeur de la couleur (sa quantité de gris) vers une forme d'égalité de calme, de non-opposition, mais sans accord. La couleur n’est pas accordée comme le serait une guitare ou un violon, elle est étale comme une mer calme.


Dans une vie antérieure, Susan Cantrick a été professeur de violon aux USA où elle est née. Puis elle a traversé l'Atlantique pour rejoindre William Christie et jouer  "les Indes Galantes" avec les Arts Florissants entre autres, avec Christophe Coin… sauriez vous la retrouver dans l’orchestre… ? 

Jusqu’à ce que sa main l’abandonne, fatiguée de pincer les cordes du violon et lui interdise toute pratique musicale professionnelle.



Et la peinture qui apparaît alors comme la manière d’aller au bout… de sa vie d’artiste !


“Je peins dans l’espace transitif entre percevoir et dire, le passage sous-linguistique où sensation, émotion, mémoire et intuition abordent la cognition.” dit-elle. 

Sa liberté d’aller au bout est une quête de la perception, de son expression juste où la pensée visuelle est l’affirmation de l’être et de sa volonté d’être artiste. La peinture apparaît alors comme une possibilité plutôt que comme un positionnement, Susan Cantrick n’est pas plus peintre que musicienne. Elle est artiste et joue d’une possibilité. Cette possibilité c’est la peinture elle-même, ici et maintenant.


Depuis près de quinze ans, sa quête a tourné librement entre les enjeux et les relations de la surface de la toile sur le châssis, le papier, les panneaux de bois. Il lui semblait juste de laisser la peinture être à elle-même, sans ignorer les décennies d’expériences transgressives de toutes sortes par lesquelles les artistes voulaient revitaliser le fameux « cadavre » de la peinture. Puis elle a intégré le médium numérique au mélange classique de peinture-dessin-photo, qui lui a donné une nouvelle liberté tout en ajoutant à la cohérence de son travail. 

Sa préoccupation essentielle: la clarté de la pensée non-verbale. Trouver la précision muette de l’expression possible au sein de l’espace de la peinture. Son process de travail ne cherche pas à établir une certitude et met en jeu toute une série de dualités – geste/géométrie, libre jeu/contrôle, présence/absence, expansion/compression, immédiateté/durée, vitesse/lenteur, force/fragilité, légèreté/densité, différence/similarité, désir/répulsion.... 

Son défi est de transformer ces tensions en analogies visuelles tout en conservant leur ambiguïté et la vigueur de leurs contradictions pour cristalliser la vitalité de leurs interactions colorées. 



Dans son atelier trois citations épinglées au mur lui sont comme des guides, dans une époque “où toute forme d’art est possible" selon Chris Burden. D’abord pour se rappeler le bonheur d’être artiste aujourd’hui, d’autant que l’on est prêt à relever le défi posé par les infinies possibilités de notre « liberté » artistique contemporaine. Liberté qui est, selon le peintre Paul Rebeyrolle “notre capacité d’aller au bout de la chose”. 



Susan Cantrick apprécie que dans un monde de l’art dominé par les œuvres essentiellement orientées par l’écrit, que quelques-uns de nos contemporains persistent à affirmer la source non-verbale de la peinture, en résistance à l’hégémonie d'une esthétique rationnelle, politique, sociologique et ironique. 



Alors il lui faut suivre le seul chemin possible, celui qui conduit à la chose même et rejoint l’esprit du pluralisme libre du grand historien de l’Art anglais E.F. Gombrich qui affirmaient : « Il n’y a pas vraiment d’Art; il n’y a que des artistes. » !


Retrouvez les textes et oeuvres de Susan Cantrick sur : www.susancantrickart.com
Erik Levesque