Martin Bissière
La Montée des extrêmes, une rétrospective
Musée de Cahors Henri Martin
28 juin – 1er octobre 2013
Cahors - 46000
Cahors - 46000
La sérénité retrouvée au-dessus du tumulte
une introduction par Jean Paul Blanchet
une introduction par Jean Paul Blanchet
Peintre, Martin Bissière l’est de naissance. La peinture, il la connaît pourrait-on dire de l’intérieur et cependant, parce qu’il est conscient que la création est inévitablement mimétique et induit une compétition, il fait de ce désir le moteur qui l’anime. Il en assume la « violence captatoire ». Son travail se construit à partir de modèles choisis (des tableaux, plutôt que des artistes), dans une optique de confrontation préméditée. Sa peinture se situe totalement dans l’espace de la peinture.
La posture est périlleuse. Son objectif est d’assurer, au bout du compte, la liberté d’une démarche singulière qui, en même temps qu’elle dérive les tensions, prend à contre-pied une tendance désabusée qui voudrait évacuer la dimension physique de l’acte pictural.
Pour aller à l’essentiel, il se détache très rapidement de la figuration et des référents qui la lient, en l’enfouissant dans la matière, jusqu’à ce qu’elle s’efface de la surface du tableau et disparaisse. Dès lors sa peinture, série après série, se débarrasse progressivement des contraintes.
Se suivent : Baroque qui prend appui sur une esthétique de l’excès expressif de la forme ; Vénus, en référence à l’origine des couleurs, dont il calligraphie le nom sur la toile, une manière d’évacuer la figure ; Décors pour un film américain, dans laquelle il s’affronte à la peinture anonyme, standardisée, indiciaire qui participait au même titre que la musique, dans les années 70, de la construction des espaces filmiques. Un hommage inconscient à l’art qui, en même temps, l’achève ; Shaolin Art Center, enfin, en référence à cette discipline permettant de canaliser et de détourner la violence de l’assaut pour la transformer en force, qui ouvre sur les travaux actuels. On y remarque un allègement progressif de la matière, l’éclaircissement et l’outre-passement des couleurs, l’affirmation du geste.
Dans la série en cours La montée des extrêmes, la toile tendue sur châssis délimite, plus encore que précédemment, un champ clos, à la manière d’un ring ou d’un tatami, sur lequel va se dérouler, partant d’un ou de plusieurs modèles, un combat entre l’énergie du peintre qui attaque et la peinture qui se dérobe, ou qui détourne. Pas de règles, pas de schéma préalable mais des assauts longuement médités, comme au karaté.
Les couleurs atteignent des degrés d’intensité tels que les rouges semblent incandescents, les jaunes irradient, les vert sont fluorescents, en même temps qu’elles s’approfondissent dans les sombres. Elles s’enroulent les unes avec les autres, dans des torsions plasmatiques, formant des agrégats qui se heurtent, se chevauchent, dans un espace que laisse deviner le voile de leurs étirements.
L’épreuve une fois commencée, ne se termine que par la disparition du ou des modèles, lorsque l’équilibre aura été trouvé, articulant le jeu libre de la couleur, et celui, vigoureux, parfois violent, de la matière et des forces qui la sous-tendent.
D’où une peinture où le geste (l’énergie du geste) qui l’emporte, se suspend dans une touche finale.
La sérénité retrouvée au-dessus du tumulte.
La confrontation ne se limite pas à ces rivalités internes à la peinture. L’invasion normative conduit Martin Bissière à pousser au-delà des limites conventionnelles (ou du «convenable ») les rapports entre les couleurs, afin d’affoler l’œil et plus encore les logiciels qu’alimentent les capteurs numériques des machines à reproduire et à fabriquer de l’image. Acte de résistance et de défense du sujet.
Par-delà ces combats pour avancer et maintenir une spécificité, sa peinture est la manifestation sans pathos, d’une énergie première, d’une pulsion vitale qui s’origine dans un Big-bang intérieur.
La peinture de Martin Bissière est dans notre époque : vive, impulsive, insolente, exaltante à la manière d’un sport de l’extrême en même temps qu’elle est préoccupée de trouver à chaque fois le point d’équilibre entre les tensions qui l’animent.
L’instant sublime. Trop court, trop instable pour arrêter la dynamique mais qui, au contraire, parce que c’est la vie, à chaque fois la relance.
Martin Bissière a fait le choix d’emprunter cette montée vers les extrêmes qui, poussée par la violence mimétique de son geste, matérialise sur un rythme «métal », devant nos yeux, par une tension tectonique de sa peinture, la violence systémique qu’il ressent, celle de son être au monde.
L’exposition comporte une trentaine d’œuvres couvrant la période 2003-2013
Un catalogue est édité par le Musée de Cahors. Texte critique de Jean-Paul Blanchet,.
Entretien avec Laurent Guillaut.
Musée de Cahors Henri Martin
792 Rue Emile Zola
46000 Cahors
05 65 20 88 66