Lors de la quatrième journée d'études consacrées à Réalités nouvelles, galerie Charpentier, Paris, 1939 : heurs et malheurs de l’abstraction du 21 mai 2024, menées par Cécile Bargues (INHA), Mica Gherghescu (Bibliothèque Kandinsky/Centre Pompidou), j'ai eu le plaisir de présenter la rétrospective des actions menées par le comité des Réalités Nouvelles depuis 2010 sur l'histoire des Réalités Nouvelles.
Je vous joins ci-dessous le texte et les images de cette présentation rapide des Réalités Nouvelles de son histoire :
欢迎来到新现实
Huānyíng lái dào xīn xiànshí,
Bienvenue dans
la nouvelle réalité !
C‘est par ces
mots que l’université de Shenyang accueillait Réalités Nouvelles en 2019, comme
vous le pouvez voir sur cette image.
Partons de la situation présente :
Réalités Nouvelles c'est aujourd'hui un salon
annuel, une galerie, des expositions hors-les-murs, des colloques... le tout géré
par les artistes eux-mêmes.
Le salon des Réalités Nouvelles 2023,
présentait 160 artistes abstraits suivant les règles que l'association Réalités Nouvelles s'est
donnée, selon son article 1, pour défendre l'Abstraction. Déposé en 1946, son
statut renouvelle celui d'Abstraction-Création de 1931, auquel il se substitue
en prenant le nom d'une exposition Réalités Nouvelles de 1939, dont le nom lui-même
est celui du groupe de peintres réunis autour de Robert et Sonia Delaunay au
Salon des Tuileries de 1938 !
Ainsi en
2023, 160 artistes acceptaient de se présenter conjointement collectivement
suivant des règles et des statuts établit il y a 90 ans, par une génération
d'artistes nées en 1880.
Cela peut
paraître assez extravagant !
A moins de considérer,
que le salon de 2023 est l'écho de celui de 1946, lui-même réplique de
l'exposition de 1939, et que de citations en réitérations, le salon de 2023 est
l'avatar d'un Abstraction-Création en cycle de poupées russes de l'éternel
retour ! En effet le salon ne s'est arrêté que deux fois, une fois après son
expulsion du Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris en 1969, et une fois en
2020 pour Covid, bien qu'il ait eu lieu en virtuel et que le catalogue ait été
publié. L'activité de l'association elle ne s'est jamais arrêtée.
La situation
était déjà la même quand, en 2010, à la demande d'Olivier Di Pizio, j'ai
intégré le comité du Salon, qui constitue autre paradoxe l'association de 40
membres qui ouvrent l'exposition à 400 participants suivant les années. J'avais été jusqu'alors exposant, jeune
peintre d'ailleurs viré par un vote collectif du comité en 1989, à l'unanimité,
après 3 ans de participation parce que non conforme à la ligne générale du
comité, qui était alors la Permanence de l'Abstraction !
Mais comment
une ligne générale permanente, pourrait-elle être suivie par des artistes
pendant 90 ans ?
Il faut
observer qu'en 2010, les derniers artistes qui avaient connus le salon de 1948,
la génération de 1918, centenaires venaient de céder leurs places, dont Louis
Nallard et Maria Manton , elle secrétaire et cheville ouvrière de 1950 à 2000, quant
à Louis Nallard il avait pris le siège de Herbin en 1960 et ne l'avait pas
quitté ! Trillant leurs archives d'ateliers, nous donnions leurs archives
personnelles à l'INHA conservant celles liées à Réalités Nouvelles. Tous
avaient exposé au Salon de 1948 avec Soulages et Carmen Herrera ! J'y reviendrai.
Nous étions donc la troisième génération après celle des créateurs du salon de
1880, après celle des continuateurs de 1918, ceux nés en 1960 qui boivent
l'entreprise où la pérennisent, suivant le fameux dicton britannique.
Pendant 70
ans l'évolution du salon, à accompagner les artistes l'intégrant, s'y plaisant,
le quittant furieux, ou restant, suivant les époques, et les vicissitudes de la
vie ... Je veux parler de Hans Hartung, Buren, Viallat, Alechinsky, Joan
Mitchell, Aurélie Nemours, Geneviève Asse, Vera Molnar, Suzanne Duchamp, etc...
avait exposé sur des statuts inchangés et quasiment une même génération
d'artistes de plus de 3000 noms environ ! Mais aujourd'hui avec une génération
d'artistes dont les plus vieux ont à peine connu le président René Coty comment
pouvait-on continuer l'aventure ou devions-nous tirer l'échelle et éteindre la
lumière ? Comme l'a fait le Salon de
Mai.
Dans cette
exclusive dédicace à l'abstraction, voulue par Kandinsky, Delaunay, Arp,...
jusqu'à se battre, s'exclure, se rabibocher, le tout géré par les artistes, il
y avait là une singularité qui constituait l'ADN de cette association, une association
dévolue à l'Abstraction.
C'est le
pari que nous avons pris, considérant que c'est dans les vieux pots qu'on peut
faire la meilleure soupe. Mais pour cela il fallait que l'ADN de l'association,
soit mis en avant, travailler. Et puisse se comprendre, s'envisager à partir
des archives. Comprendre son historicité.
Notre
première décision fut de trouver un élément de communication, accompagnant le site,
en ouvrant un blog qui reprenait le titre des catalogues historiques les
Cahiers des Réalités Nouvelles, qui nous donnerait la possibilité de mettre en
perspective les archives et l'actualité de l'association et des artistes la
constituant aujourd'hui. Avec près de 30000 connections par mois, ce fut un
succès immédiat d'autant que Google, trouvant notre site et notre attitude
extravagante le mis en avant l'utilisant comme test. Qu'il soit ici remercié !
Cette politique numérique a naturellement suivi l'évolution des réseaux sociaux.
Dans le même
temps, nous entreprenions le recollement des archives. Si une partie des
archives était alors chez Domitille d'Orgeval, qui en avait la garde, nous
savions que des parties non négligeables des archives de l'association étaient
restées dans les archives des artistes, mélangées à leurs archives
personnelles. Ainsi si les archives Delaunay sont à la Bibliothèque Kandinsky, et
les archives Herbin au Musée Matisse de Cateau-Cambrésis, les archives de Olive
Tamari par exemple viennent d'être identifiées dans ses archives personnelles à
Toulon. Il était secrétaire de l'association en 1951 à 1954. Au total nous
avons récolté 3 mètres linéaires. Il fallait des lors, les lire. Et les classer.
Puis les
mettre à la disposition des chercheurs et des artistes. C'est à ce moment 2010,
que nous avions rencontré Didier Schulmann, pour connaître les conditions de
dépôt à la Bibliothèque Kandinsky. L'IMEC et feu Yves Chevrefils-Desbiolles, fut
choisi parce que le dépôt n'était pas un don et que nous pouvions conserver la pleine
propriété des archives.
Ainsi nous pouvions en
disposer à notre invention artistique, tout en les mettant à disposition des
chercheurs universitaires.
- Archives RN, de 1939 à aujourd'hui.
-
Archives de la FAAP, la Fédération des
Associations des Arts Graphiques et Plastiques Assurant la liaison avec les
Pouvoirs Publics (crée en 1972) et dont Réalités Nouvelles sous le mandat de Jacques
Busse était le secrétaire et l'archiviste. Busse était également rédacteur du
Bénézit constituant le grand dictionnaire de l'abstraction.
-
Enfin des archives photographiques qui
constituent au moins une remarquable représentation sociologique de la pratique
de l'abstraction, comme thématique et genre en soi au même titre que le
paysage, les scènes de genre ou les natures mortes et qui marquent le succès de
l'exposition de 1939 !
Dans un
troisième temps, nous ouvrions lors de notre salon annuel, un colloque – pour les
artistes – où nous faisons venir des historiens de l'art, Eric de Chassey pour une dédicace,
...... pour ouvrir la question essentielle à nos yeux de l'interrogation que
les archives ouvrent et qui est celle du passage de la modernité à la post-modernité
dans la définition que Jean-François Lyotard en donnait. En effet si le salon
et son association est l'avatar de l'exposition de 1939, comment concevoir
l'effet de répliques, de citations qui est induit, si ce n'est en prenant
conscience des conditions singulières qui ont conduit à sa création ? Donc à sa
perpétuation ? À son évolution et à ses
limites.
Ou suivant
la métaphore footballistique astucieuse que nous donnait Itzhak Goldberg, Réalités
Nouvelles fut un club de 1ère division, sous la présidence d'Alfredo Sidès en
1946, aujourd'hui c'est un club de seconde division par manque de moyens
financiers mais bien vivant et qui a l'occasion d'une coupe de France peut
battre n'importe quel club de 1ere Division, mais pas tous les jours seulement
une fois l'an.
Nous
retrouvions l'association AAA - Abstract American Artistes de New York, née en
1936 qui eux en était à sa 6e générations d'artistes et avec qui nous avons échangé
-très formellement- des ambassadeurs. Rétablissant les liens qui avaient été
coupés en 1955, alors que de nombreux artistes dont Sonia Delaunay ou Josef Albers
étaient membres des deux associations !
L'effet de
la mise en avant par Google, de RN aux USA, fut amplifié par l'effet Carmen
Herrera, cette artiste centenaire affichant ses cartes de participation au
salon dans les années 1950, comme étant le moment le plus important de sa vie
d'artiste. Les demandes de consultation des archives, d'interrogations depuis les
USA, de galeries, de musées, Whitney, Moma, Met, ... sont depuis lors d'environ
deux par mois. Pour exemple, dernières en date les demandes concernent, Janice
Biala, la sœur de Jack Tworkov. Elle fut exposante au salon tout au long de sa
carrière d'artiste !
C'est ainsi
que Jennifer Bernstein, travaillant sur une biographie d'artistes américains,
me demandait si je savais qui était le critique Fredo Sidès, elle ajoutait qu'il
y avait des traces de lui aux USA, très négatives ! Je ne savais pas
grand-chose, mais au bout d'une semaine en croisant les archives RN, les noms, j'avais
une grande partie de sa carrière d'entrepreneur du spectacle et d'amant
d'Isadora Duncan, de marchand intermédiaire, son histoire était là. Lançant des
appels sur le web... des interlocuteurs me donnèrent informations, bribes
d'informations, jusqu'à retrouver sa vie, mais ... pas sa tombe encore !
Nous
retrouvions les galeries Gimpel-Müller avec qui nous avons pu organiser une
exposition collective en Normandie combinant archives et œuvres contemporaines.
L'organisation d'exposition Hors-les-murs en Chine (Université de Shen Yang), au
Japon combinant à chaque fois archives et œuvres contemporaines. Une galerie
Abstract Project avec deux expositions par mois, combinées au salon annuel,
forment la trilogie des évènements que produit l'association, gérée par les
artistes eux-mêmes.
Chaque
élément que je viens de décrire, si on le cartographie forme des îles ou
ensemble un archipel. Interconnectées, mais indépendantes les unes des autres.
Chaque artiste à sa personnalité, et suivant le moment dans lequel il s'est
coulé dans l'histoire de l'association, il y a apporté sa pierre et ce quel que
soit sa reconnaissance institutionnelle. Du plus célèbre Pierre Soulages par
exemple qui exposait au salon régulièrement jusqu'en 1970, puis tous les cinq
ans, venant à la demande du comité par amitié. D'autres plus humbles, ont assuré
la garde des expositions, suivant le modèle de 1939 ou même renoncer à leur
propre art pour assurer la présidence de l'association comme Robert Fontené.
D'autres ont claqué la porte – Buren - ou n'y ont jamais été admis - Yves
Klein. Peu importe, ils sont dans l'histoire de l'association. Les archives
décrivent ces liens, les rhizomes qui ont jalonnés cette histoire entre dendrites
et dimension fractale de l'itération.
Les statuts
stipulent que l'association a une fonction de solidarité, quelque fois
inattendue. Comme la surprise que le Japonais Saturo Sato ressentit en 1979
pour sa première participation, à découvrir son travail accroché à côté celui
de Sonia Delaunay dont c'était l'hommage. Sortir les artistes de l'isolement de
l'atelier, de l'aliénation sociale de l'artiste est une autre mission. La
fonction de l'association n'est pas de prendre la place marchande – D'ailleurs
Sides gardait astucieusement cette place pour lui - mais bien de permettre aux
artistes de se rencontrer, de découvrir et ainsi de s'interconnecter au-delà du
temps de l'exposition annuelle. C'est donc tout naturellement vers Otto
Freundlich, le rêveur cosmique, et à sa femme Jeanne Kosnick-Klauss, dont les
archives sont à l'IMEC, et qui furent tous deux membres-fondateurs de notre
association, que je clos cette présentation. Dans leurs papiers, on trouve en
1921, la note aux pluriels Neuen Wirkchlikeiten – les réalités nouvelles et non
pas la réalité nouvelle d'Apollinaire !
Au total,
environ 10000 artistes sont passés par le salon, plus de 500 ont constitué le
comité.
Actualités
des Réalités Nouvelles
•
Galerie
Abstract Project à Paris – Kun Young Chang jusqu’au 24 mai,
puis – Sasho Blazes jusqu’au 7
juin.
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Festival
Réalités Nouvelles à Bastia jusqu’au 25 mai.
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Taipei
- Wu Dengyi Art Museum – à partir du
mois de juin.
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Chine
– Musée des Beaux- Arts de Fuzhou, à Galerie 1905 de Shenyang puis à la
Fondation Tsin Dao jusqu’en mars 2025.
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Le
Salon des Réalités Nouvelles à Paris aura lieu du 17 au 20 octobre 2024.
J'ai à cette occasion inviter les responsables de ces journées d'études au colloque du Salon Réalités Nouvelles 2024.
Erik Levesque
archiviste et vice-président des Réalités Nouvelles